En Algérie, de nombreux lycées sont paralysés depuis le lundi 20 janvier par un mouvement de grève des élèves. Les contestataires, dont les appels à manifester sont largement relayés sur le réseau social TikTok, protestent contre la « surcharge » des programmes scolaires et la volonté présumée du gouvernement d’interdire les cours de soutien payants, dont la pratique est très répandue dans le pays.
Avec ses slogans qui oscillent entre des revendications du Hirak, le vaste mouvement populaire de contestation des autorités en 2019, et des chants de supporteurs de football, cette grève surprise des lycéens inquiète le gouvernement. Le ministre de l’éducation nationale, Mohamed Seghir Saadaoui, a assuré que des mesures étaient « à l’étude pour alléger les programmes et l’emploi du temps des élèves ».
Il a aussi nié le projet d’une interdiction des cours de soutien. Début janvier, une polémique avait éclaté après un appel du ministère du commerce aux établissements d’enseignement de langues à se conformer strictement aux activités qui leur sont définies et de s’y limiter, leur interdisant également de dispenser des cours de soutien payants aux élèves. « Nous ne sommes pas contre les cours particuliers, mais les établissements qui proposent des cours de soutien doivent en informer les services compétents et obtenir un code d’activité », a insisté le ministre de l’éducation nationale, tout en appelant au « dialogue » pour éviter de perturber l’année scolaire.
« Gavage de cerveau »
Le mouvement, parti de quelques lycées des grandes villes en réponse à des appels anonymes sur TikTok, s’est rapidement étendu au reste du pays. A Alger, les lycéens se rassemblent devant leurs établissements, mais dans d’autres wilayas, comme Bejaïa, Sétif ou Biskra, ils ont manifesté dans la rue. « Nous voulons étudier comme tous les lycéens du monde. Nos programmes sont surchargés, nous passons le plus clair de notre temps à étudier », se plaint Hichem, 15 ans, qui étudie au lycée Ibn Nass, dans le centre de la capitale.
La jeune Khawla, elle, affirme que « partout dans le monde », le nombre d’heures de cours par semaine « n’excède pas trente-six heures », alors que « c’est quarante-huit heures en Algérie ». « Ce n’est plus une accumulation des connaissances, c’est du gavage de cerveau », dénonce-t-elle. D’autres déplorent des programmes inadaptés « à l’heure de l’intelligence artificielle » et imputent ce décalage à « l’âge avancé des responsables du secteur, incapables d’être en phase avec notre époque ».
Les inquiétudes des autorités sont montées d’un cran à la suite d’actes de vandalisme et d’agressions contre des personnels de l’éducation. Devant l’ampleur du mouvement, le ministère de l’éducation nationale a lancé, jeudi 23 janvier, un appel urgent aux parents, via un SMS diffusé par tous les opérateurs téléphoniques du pays, les exhortant à « protéger » leurs enfants et à les « aider » à « se concentrer sur leurs études ».
« Protestations suspectes »
Des directeurs d’établissement assurent que des enseignants qui dispensent des cours de soutien payants, inquiets de la volonté des autorités d’encadrer leur activité, seraient derrière cette grève « sauvage ». Nabil Ferguenis, responsable du Syndicat national des travailleurs de l’éducation (SNTE) à Bejaïa, a appelé les lycéens à « retourner en classe et ne pas se laisser manipuler par des agendas douteux ». Son collègue Messaoud Boudiba, du Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Cnapeste), a lancé un appel similaire et a demandé aux autorités d’« identifier les instigateurs de ce mouvement ».
Des associations de parents évoquent, elles, des « protestations suspectes », voire des tentatives de « déstabilisation » orchestrées par des comptes anonymes sur les réseaux sociaux.
La Fédération nationale des associations de parents d’élèves (Fnape) a suggéré d’ouvrir des établissements scolaires le samedi et le mardi après-midi afin de permettre des cours de soutien encadrés, moyennant une contribution fixée localement. La pratique des cours particuliers s’est généralisée ces dernières années, les parents d’élèves estimant que le système scolaire public est défaillant. Beaucoup dénoncent aussi des enseignants qui ne feraient pas correctement leur travail à l’école publique tout en prodiguant des cours particuliers payants.