Comment interpréter la baisse record des émissions de gaz à effet de serre (GES) enregistrée par l’Allemagne en 2023 ? Depuis que l’Office fédéral allemand de l’environnement (UBA) a annoncé, vendredi 15 mars, une réduction des émissions de 10,1 % par rapport à 2022, la plus forte contraction depuis 1990, les discussions sont intenses pour déterminer si cet effet est durable ou s’il est simplement la conséquence de la récession économique (–0,3 % de produit intérieur brut l’an dernier). L’UBA relève que l’Allemagne a émis 674 millions de tonnes de GES en 2023 et estime qu’elle devrait respecter son objectif de déclin des émissions de 65 % d’ici à 2030, par rapport à leur niveau de 1990.
Le gouvernement à Berlin, qui a accéléré les efforts de décarbonation depuis le début de la législature, s’est évidemment félicité de cette victoire d’étape. « L’Allemagne est revenue sur la bonne trajectoire », a déclaré le ministre de l’économie et du climat, l’écologiste Robert Habeck.
De leur côté, les organisations environnementales sont plus critiques. « Tout enthousiasme sur le recul des émissions reste en travers de la gorge quand on en examine les causes : ce sont les crises politique et économique, et non la volonté de transformation et de mesures structurelles de protection du climat, qui ont été à l’œuvre », a réagi Viviane Raddatz, de l’association WWF Allemagne. « Le développement des énergies renouvelables est perceptible. Mais pour atteindre l’objectif climatique 2030 et la trajectoire à long terme de manière fiable, le cahier des charges du gouvernement est encore épais », a souligné de son côté Olaf Bandt, président de l’organisation environnementale BUND.
« Déclin de la production »
L’UBA reconnaît que la conjoncture joue un rôle important dans ces bons chiffres. L’industrie a ainsi réduit ses rejets pour la seconde année d’affilée, à 155 millions de tonnes de GES (23 % du total), soit une contraction de 7,7 % par rapport à 2022. Mais « le principal moteur de cette tendance est l’évolution conjoncturelle négative et l’augmentation des coûts, qui ont entraîné un déclin de la production », souligne le rapport. L’exemple le plus frappant de cette tendance est la diminution de 18 % de la production des industries gourmandes en énergie depuis 2022, comme la chimie ou la sidérurgie.
Cependant, l’UBA insiste sur le fait que l’essentiel de la réduction des émissions observée en 2023 est lié à la production énergétique. Les émissions de ce secteur ont dégringolé de 20,1 %, et sont tombées à un niveau inférieur à celles de 2020, l’année de la crise liée au Covid-19. En 2023, le secteur énergétique a libéré 205 millions de tonnes de GES, contre environ 370 millions en 2010. La baisse est liée à plusieurs facteurs : la diminution de la consommation d’énergie, en raison des prix élevés et de la douceur de l’hiver, la hausse légère des importations, mais surtout un moindre recours aux carburants fossiles dans la production d’électricité et le chauffage.
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