En 2018, ils sont passés à un cheveu de la victoire et, aujourd’hui, ils refont leurs calculs : avec un peu moins de 1 000 voix glanées chez leurs adversaires, ils arriveraient à leurs fins. Les partisans de Guy D’haeseleer, député du parti d’extrême droite xénophobe et séparatiste Vlaams Belang (VB), rêvent d’une victoire à Ninove, une ville de 40 000 habitants, dans la province de Flandre-Orientale. Au soir des municipales du dimanche 13 octobre, ils comptent bien voir leur favori devenir « bourgmestre » (maire). Ce serait une première depuis 1945 dans le pays et cela marquerait symboliquement la fin du cordon sanitaire, cette pratique qui, depuis la création du Vlaams Belang – qui s’appelait alors Vlaams Blok – en 1979, a permis de tenir ce parti à l’écart de tous les échelons de pouvoir.
« Faut pas écrire qu’on est des nazis. On trouve juste qu’il y a trop d’étrangers qui vivent ici maintenant et qui prennent les logements sociaux. Guy est un chic type qui comprend ça et nous aide », commente Jos, un retraité (qui n’a pas souhaité donner son nom) en sortant du café De Posthoorn, rebaptisé « Vlaams Huis » – Maison flamande –, un bistrot de Ninove orné de drapeaux nationalistes, de lions toutes griffes dehors et d’affiches du VB.
En 2018, M. D’haeseleer a préféré à l’étiquette du VB celle de « Forza Ninove », susceptible de lui apporter les voix d’un électorat plus modéré. Pari réussi : il a remporté quinze sièges sur les trente-trois du conseil municipal. Face à lui, la maire libérale Tania De Jonge a fédéré les partis socialiste, écologiste et chrétien-démocrate pour s’assurer une courte majorité, appuyée par un candidat indépendant devenu le bouc émissaire de la Vlaams Huis. Lors des régionales, le 9 juin, M. D’haeseleer a obtenu 39,2 % des voix dans sa ville. Jos et ses amis sont convaincus qu’il fera mieux encore dimanche, quand la population sera appelée à se prononcer sur des enjeux purement locaux.
Lutte contre la « francisation »
A Ninove, située à 40 km de Bruxelles, les taux de chômage et de délinquance se situent sous la moyenne de la région flamande. La mairie se flatte d’avoir renforcé les effectifs de la police et d’avoir massivement investi dans des caméras de surveillance, tandis que le noyau dur d’une bande de jeunes casseurs aurait été démantelé. « Le problème, pour un bon nombre d’habitants, c’est le caractère “visible” de l’immigration », explique un employé de la mairie, qui a requis l’anonymat « étant donné le contexte politique ».
Visible ? « En une vingtaine d’années, de nombreux Africains ont quitté Bruxelles et Gand, devenues trop chères, pour venir s’installer ici », explique notre interlocuteur. Traduction par Jos et son épouse, qui l’a rejoint : « Ils ne nous ont rien fait, mais ils ne participent à rien, pompent 80 % des aides sociales et, en plus, ils ne parlent que le français. » La lutte contre la « francisation » de la région, consécutive à l’arrivée d’étrangers qui représentent désormais un cinquième de la population locale, est un autre thème de la campagne. S’ils se présentent à la mairie, ceux qui ne connaissent pas le néerlandais sont déjà invités à se faire accompagner d’un interprète. Ou à compter sur la bonne volonté d’un fonctionnaire désobéissant.
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