Analyse. Le désormais ex-président sud-coréen Yoon Suk Yeol risque la peine de mort pour sa déclaration avortée de loi martiale, le 3 décembre 2024, que la loi considère comme une tentative d’insurrection. L’affaire est à l’origine d’une profonde crise politique dans un pays aux clivages idéologiques exacerbés. Annoncée vendredi 4 avril par la Cour constitutionnelle, la destitution du président a tardé à être validée. Le dirigeant avait bénéficié, le 8 mars, d’une libération anticipée pour vice de forme, que le parquet n’a pas cru bon de contester.
Non sans évoquer les polémiques autour de la condamnation, en France, de la cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, ce traitement nourrit des soupçons de connivence entre la justice et le pouvoir politique, et ravive les critiques d’un parquet jugé hors de contrôle. L’ex-président Yoon est un ancien procureur général qui a conservé de solides amitiés dans les milieux judiciaires. Après son élection, en 2022, la Corée du Sud a chuté dans le classement V-Dem (Varieties of Democracy) de l’université suédoise de Göteborg – qui évalue les avancées démocratiques –, en partie à cause des pressions sur la justice.
Dans les faits, rien n’indique une politisation institutionnelle généralisée, mais les divisions politiques comme la médiatisation d’affaires impliquant des élus conduisent à les interpréter à travers un prisme partisan. Auteur d’une enquête sociologique, Christophe Duvert, professeur de droit à l’université Soongsil de Séoul et auteur des Voies de la justice en Corée du Sud (Atelier des cahiers, 2021), constate que les Coréens considèrent souvent leur système judiciaire comme complexe, voire biaisé au profit des nantis.
Connivences entre le parquet et le pouvoir
Cette perception découle de l’histoire agitée d’une justice, rappelle Christophe Duvert, qui se définit comme reposant « sur un mélange d’aspirations confucéennes et “modernes” dont l’antagonisme ajoute à sa complexité » et dont la puissance a longtemps servi les pouvoirs. Pendant la colonisation japonaise, entre 1910 et 1945, l’occupant met la justice au service de sa domination. Après la libération, le système reste en place, malgré quelques ajustements insufflés par les Américains. Seule l’organisation change. La police, discréditée pour sa collaboration avec l’occupant nippon, perd des attributions au profit du parquet.
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