La démocratie sud-coréenne a refusé de se laisser abattre. Au cœur de la nuit du mardi 3 au mercredi 4 décembre, 190 députés de la majorité comme de l’opposition, soutenus par une foule en colère, massée devant une Assemblée nationale cernée de policiers et de militaires, ont rejeté à l’unanimité la loi martiale décrétée quelques heures plus tôt par le président conservateur, Yoon Suk Yeol. M. Yoon a accepté la décision et clôturé piteusement sa tentative de coup de force, qui a vu la Corée du Sud renouer pendant quelques heures avec le cauchemar du temps des dictatures, qu’elle croyait révolu depuis près de quarante ans.
La dernière fois que la loi martiale avait été imposée, c’était en 1980 à Gwangju (Sud). Sur ordre du président autoritaire Chun Doo-hwan (1980-1987), les parachutistes avaient violemment réprimé un mouvement favorable à la démocratie. L’opération avait fait des centaines de morts.
Admettant sa défaite, M. Yoon a réitéré son appel à l’Assemblée nationale pour qu’elle mette fin aux activités « scandaleuses » qui, selon lui, paralysent les fonctions gouvernementales. Le président, confronté à des manifestations, est désormais menacé de destitution. Ses principaux collaborateurs, dont son chef de cabinet, Chung Jin-suk, et son conseiller à la sécurité nationale, Shin Won-sik, ont présenté leur démission. L’état-major a renvoyé la troupe dans ses baraquements.
L’Etat de droit a prévalu et l’affaire s’est terminée, sans incident majeur, après six heures de vives tensions dans la capitale sud-coréenne. « Nous sommes soulagés que le président Yoon soit revenu sur sa déclaration et qu’il ait respecté le vote de l’Assemblée nationale, a réagi Washington. La démocratie est à la base de l’alliance entre les Etats-Unis et la Corée du Sud, et nous continuerons à suivre l’évolution de la situation. »
Munitions réelles
M. Yoon avait déclaré la loi martiale le mardi 3 décembre à 22 h 25 depuis le bureau présidentiel du quartier de Yongsan, à Séoul. « La République de Corée [nom officiel de la Corée du Sud] est comme une bougie dans le vent ; elle peut s’éteindre à tout moment. Je déclare la loi martiale pour la protéger des menaces des forces communistes nord-coréennes, pour éradiquer les forces antiétatiques pro-nord-coréennes qui détruisent de manière éhontée la liberté et le bonheur de notre peuple, et pour protéger notre ordre constitutionnel libre », a-t-il justifié. Il a reproché à l’opposition parlementaire de s’opposer à son projet de budget et d’avoir voté la destitution du directeur du Conseil d’audit et d’inspection.
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