Le chef du parti au pouvoir en Corée du Sud a annoncé sa démission, lundi 16 décembre, deux jours après l’adoption au Parlement d’une motion de destitution contre le président déchu Yoon Suk Yeol, sanctionné pour son éphémère loi martiale.
« Je quitte mon poste de chef du Parti du pouvoir au peuple [PPP] », a déclaré Han Dong-hoon lors d’une conférence de presse télévisée, ajoutant qu’il présentait ses « sincères excuses à tous ceux qui ont souffert en raison de la loi martiale ».
Les députés ont adopté samedi soir une motion de destitution contre M. Yoon, dès lors suspendu, sanctionnant sa brève loi martiale de la nuit du 3 au 4 décembre. L’ex-procureur star avait sidéré le pays en déclarant cet état d’exception par surprise et en envoyant l’armée au Parlement afin de le museler, avant de devoir rétropédaler à peine six heures plus tard sous la pression de l’Assemblée nationale et des manifestants.
La Cour constitutionnelle lance l’examen de la destitution
La Cour constitutionnelle sud-coréenne a par ailleurs entamé lundi une première réunion pour discuter du calendrier de la procédure de destitution de Yoon Suk Yeol. « La première réunion de délibérations concernant la motion de destitution [de Yoon Suk Yeol] a commencé à 10 heures [2 heures, heure de Paris] », a indiqué un porte-parole de la Cour à l’Agence France-Presse.
La Cour constitutionnelle a environ six mois pour se prononcer sur la validité de cette motion de destitution. Si elle la confirme, M. Yoon sera déposé et une élection présidentielle devra être tenue dans les deux mois. Le vainqueur sera investi dès le lendemain du résultat, sans l’habituelle période de transition. Pendant ce laps de temps de huit mois maximum, le premier ministre Han Duck-soo assurera l’intérim. A l’occasion de ses premiers mots en tant que dirigeant temporaire, il s’est engagé à faire tout son possible pour garantir une « gouvernance stable ».
Le président de la Cour, Moon Hyung-bae, a promis peu après le vote une « procédure rapide et juste ».
Selon la plupart des experts, l’issue ne fait guère de doute, tant les violations de la Constitution et de la loi reprochées à M. Yoon sont flagrantes. La Cour constitutionnelle compte normalement neuf juges mais trois ont pris leur retraite en octobre sans être remplacés, en raison du blocage politique dans le pays. Six voix étant requises pour entériner une destitution, un jugement unanime sera nécessaire pour démettre Yoon Suk Yeol.
Le chef de l’opposition, Lee Jae-myung, a estimé dimanche qu’une décision rapide était « la seule façon de limiter le trouble national et d’alléger les souffrances de la population ». Vedette de la politique empêtrée dans des affaires qui pourraient lui coûter son éligibilité, M. Lee fait figure de favori auprès des analystes, en cas de nouveau scrutin. En 2022, il avait perdu contre M. Yoon avec l’écart le plus mince de toute l’histoire de la Corée du Sud.
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Lee Jae-myung a été reconnu coupable en novembre de violation des lois électorales mais le verdict a été suspendu. En cas de condamnation, il ne pourrait plus se présenter. S’il était toutefois élu avant la décision, les poursuites seraient interrompues, du fait de l’immunité présidentielle.
Enquête pour « rébellion »
Yoon Suk Yeol est lui sous le coup d’une enquête pénale pour « rébellion », un crime théoriquement passible de la peine de mort, et n’a plus le droit de quitter le pays. L’impopulaire dirigeant déchu, 63 ans, a « refusé » de se présenter dimanche à la justice, les procureurs ayant annoncé qu’ils le convoqueraient une deuxième fois.
Si sa destitution était confirmée, il deviendrait le deuxième président sud-coréen officiellement démis de ses fonctions, après Park Geun-hye en 2017. Pour Mme Park, tombée pour corruption, la Cour avait entériné la décision du Parlement quatre-vingt-douze jours après son vote.
Il existe cependant un précédent inverse. En mars 2004, les députés avait également adopté une motion de destitution contre Roh Moo-hyun, mais elle a été invalidée deux mois plus tard par la Cour constitutionnelle.
La Corée du Nord, qui distille ses réactions au compte-gouttes depuis le début des troubles chez son voisin, a qualifié lundi Yoon Suk Yeol de « chef de la rébellion », selon l’agence officielle KCNA. Comme à l’accoutumée, M. Yoon a aussi été traité de « marionnette » par les médias d’Etat nord-coréens, qui le considèrent à la botte des Etats-Unis.