Cela ressemble à une entrée en précampagne classique en Côte d’Ivoire. A un peu plus de huit mois du premier tour de l’élection présidentielle prévu le 25 octobre, une demi-douzaine de candidats déclarés ont commencé à aller à la rencontre de leurs électeurs putatifs.
Samedi 8 février, Laurent Gbagbo, qui souhaite retrouver la présidence qu’il avait dû quitter pour la prison, et l’homme d’affaires Jean-Louis Billon, qui tente de s’imposer comme candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), ont chacun réuni leurs partisans à Abidjan. Le même jour, l’ancien banquier Tidjane Thiam, devenu président du PDCI, a rencontré les enseignants adhérents du parti à Yamoussoukro, la capitale administrative.
Charles Blé Goudé, ex-ministre et compagnon de cellule de Laurent Gbagbo, a pour sa part annoncé une tournée dans le nord du pays du 20 au 24 février, tandis que son ancien camarade puis ennemi, l’ex-rebelle Guillaume Soro – toujours en exil –, a déclaré son ambition de briguer la magistrature suprême. Une intention déjà formulée par l’ex-première dame Simone Ehivet Gbagbo et par le président de son ancien parti, le Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan.
Tient-on là, déjà, le casting final du scrutin ? Sûrement pas. La galerie des prétendants est encore incomplète. Le PDCI doit se réunir en convention pour choisir son champion, et Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro sont tous les trois inéligibles en raison des condamnations judiciaires qui pèsent sur eux à la suite de la crise post-électorale de 2010-2011. Quant au président sortant, Alassane Ouattara, 83 ans, il conserve soigneusement le mystère sur son avenir.
Ces derniers mois, plusieurs meetings de militants du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir) ont eu lieu à l’intérieur du pays pour exhorter le chef de l’Etat à se représenter pour un quatrième mandat. Mais celui-ci ménage le suspense. Le 9 janvier, il s’est dit « désireux de continuer à servir » son pays – tout en assurant ne pas avoir pris de décision – et a suggéré, sans les nommer, que son parti avait « au moins une demi-douzaine » de dauphins potentiels. Aucun n’a pourtant réellement affirmé son ambition et, dans l’entourage du président, certains avancent n’avoir « que lui » pour la victoire.
« Micmacs »
Dès lors, si Alassane Ouattara se porte candidat à sa propre succession, se posera forcément la question d’un dernier affrontement dans les urnes avec Laurent Gbagbo, 80 ans en mai. Pour le lancement de sa campagne « Côcôcô » (équivalent ivoirien de l’onomatopée « Toc toc toc »), le président du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), qui attend une loi d’amnistie pour pouvoir concourir, a appelé à « cesser les micmacs qui se font en haut lieu ».
Tidjane Thiam, qui se trouve depuis une semaine au cœur d’une controverse sur sa double nationalité franco-ivoirienne, ne dirait sûrement pas mieux. La polémique est née le 2 février sur le plateau de la Nouvelle Chaîne ivoirienne (NCI) lorsque le politologue Arthur Banga, proche du pouvoir, a rappelé que l’ancien président du Crédit suisse n’avait pas encore renoncé à sa nationalité française, prérequis pour briguer la magistrature suprême. M. Thiam, qui a officiellement déposé une demande en ce sens à l’ambassade de France à Abidjan vendredi, a dénoncé le lendemain « une manipulation pour donner l’impression d’avoir agi sous la pression ».
Si les deux hommes se sont éloignés, MM. Thiam et Gbagbo s’accordent sur l’exigence d’une révision de la liste des électeurs par la Commission électorale indépendante (CEI) avant le scrutin. Son président, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, leur a répondu indirectement, le 23 janvier, signalant que « la loi ne dit pas que la révision doit se faire avant les élections », mais seulement « chaque année ». Celle-ci pourrait donc avoir lieu après le vote, car, dit-il, « pendant l’année électorale, on évite de faire la révision parce qu’il y a des impératifs ».
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La déclaration a suscité un tollé de l’opposition, qui rappelle que les révisions de 2015 et de 2020 ont eu lieu avant le scrutin. La polémique a ensuite été amplifiée par le limogeage du conseiller spécial de la CEI, Antoine Adou, le 30 janvier, après que ce dernier a plaidé en interne en faveur de cette demande de révision.
Comme pour souligner cette crispation du climat politique, un incident a eu lieu jeudi au siège du PPA-CI. Six hommes ont été évacués discrètement du point de presse tenu par son porte-parole, Justin Koné Katinan. Selon un communiqué publié le lendemain par le parti de Laurent Gbagbo, il s’agissait en réalité de deux policiers et quatre gendarmes en civil qui s’étaient fait passer pour des journalistes.