La police géorgienne a arrêté dimanche deux représentants de l’opposition, lors d’une nouvelle manifestation contre le gouvernement, accusé de dérive autoritaire prorusse et de chercher à empêcher un rapprochement avec l’Union européenne.
Nika Melia, du parti libéral proeuropéen Akhali, et Guigui Ougoulava, ancien maire de Tbilissi, ont été interpellés alors qu’ils participaient avec plusieurs milliers de personnes à une tentative de blocage d’une autoroute, à l’entrée nord de la capitale, selon un journaliste de l’Agence France-Presse. D’autres manifestants, dont l’un semblait blessé, ont également été arrêtés.
« La répression brutale de manifestants pacifiques, de journalistes et de politiciens, ce soir à Tbilissi, est inacceptable », a réagi la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, sur X.
Des manifestations contre Rêve Géorgien, le parti au pouvoir, ont lieu quotidiennement depuis que le mouvement a revendiqué la victoire à l’issue d’élections législatives que l’opposition a jugées frauduleuses, fin octobre. La crise s’est aggravée le mois suivant, lorsqu’il a suspendu le processus d’adhésion à l’Union européenne, décision perçue comme une trahison par une partie du pays, notamment la jeunesse pro-occidentale. Cette dernière considère que le gouvernement préfère se rapprocher de la Russie et veut imiter les méthodes de son président, Vladimir Poutine.
Nika Melia et Guigui Ougoulava ont déjà passé plusieurs années en prison sous le règne de Rêve géorgien, sur la base d’accusations motivées politiquement, selon des ONG de défense des droits humains. D’autres manifestants, dont l’un semblait blessé, ont également été arrêtés dimanche. La chaîne indépendante Pirveli a diffusé des images montrant la police frappant brutalement certains d’entre eux.
« Le gouvernement a peur »
« Toute cette violence policière montre juste que le gouvernement a peur », a lancé un Kote Baramia, un contestataire âgé de 22 ans. « Les Géorgiens ne céderont pas, notre démocratie est en danger ».
Le défenseur des droits géorgien, Levan Ioseliani, estime dans un communiqué que « les cas de mauvais traitements et d’usage excessif de la force de la part de la police contre des citoyens, des journalistes et des politiques sont extrêmement inquiétants ». Zviad Kharazishvili, chef du département des opérations spéciales de la police de Tbilissi sanctionné par les Etats-Unis et le Royaume-Uni pour des violations des droits humains, a été entendu hurlant des obscénités aux manifestants. Ces derniers ont ensuite entamé une marche de plusieurs kilomètres en direction du Parlement, leur lieu de rassemblement habituel.
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Le ministère géorgien de l’Intérieur avait auparavant publié un avertissement affirmant que le blocage d’une autoroute pouvait être considéré « comme un crime passible de quatre ans de prison ».
Lorsque la première vague de manifestations a commencé, à la fin du mois de novembre, la police antiémeute a eu recours à des grenades lacrymogènes et des canons à eau pour disperser les foules. Plus de 400 personnes ont été arrêtées, selon le ministère de l’Intérieur. Levan Ioseliani et l’ONG Amnesty International ont accusé la police d’actes de torture.
Les défenseurs des droits humains géorgiens accusent le pouvoir d’avoir lancé une campagne d’intimidation, de passages à tabac et d’arrestations pour punir ceux qui osent descendre dans la rue. Les forces de sécurité et la justice géorgiennes font face à des accusations récurrentes de répression des opposants. L’UE a suspendu lundi l’exemption de visa pour les diplomates et dirigeants géorgiens, invoquant l’adoption de lois répressives et la « violente répression des autorités géorgiennes contre des manifestants pacifiques, des politiciens et des médias indépendants ».
L’an dernier, les Etats-Unis et plusieurs pays européens avaient imposé des sanctions aux dirigeants géorgiens en dénonçant le glissement de Tbilissi vers la Russie, la violente répression des manifestants et les dissensions post-électorales. La Géorgie fait également face à une crise constitutionnelle sans précédent, puisque l’opposition refuse de siéger dans le Parlement fraîchement élu. La présidente pro-occidentale, Salomé Zourabichvili, l’a déclaré illégitime, tout comme l’exécutif.
Son successeur, Mikheïl Kavelachvili, issu de l’extrême droite et fidèle à Rêve géorgien, a prêté serment le 29 décembre, après avoir été élu le 14 par un collège électoral contrôlé par le parti au pouvoir, mais elle refuse de lui céder la place.