La Cour constitutionnelle de Géorgie a refusé, mardi 3 décembre, d’invalider les élections législatives remportées fin octobre par le parti dirigeant. L’opposition réclame depuis plus d’un mois de nouvelles élections, accusant le parti Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012, d’avoir faussé les résultats.
A la mi-novembre, la présidente Salomé Zourabichvili, qui a des pouvoirs limités, et des groupes d’opposition avaient déposé un recours devant la Cour constitutionnelle pour faire annuler les résultats du scrutin. Mardi, la Cour a rejeté cette demande, en précisant que sa décision était « finale » et sans appel. De quoi alimenter un peu plus le mécontentement des milliers de Géorgiens qui manifestent chaque soir dans la capitale Tbilissi depuis jeudi.
Ils accusent le gouvernement de dérive autoritaire prorusse et d’avoir mis en veille les ambitions d’adhésion à l’Union européenne. Des milliers de manifestants pro-UE ont encore protesté mardi soir, malgré les menaces du premier ministre, qui a accusé ses rivaux politiques et des ONG d’avoir « orchestré les violences » qui ont émaillé les manifestations.
La police géorgienne a une nouvelle fois utilisé, mardi, un canon à eau pour tenter de disperser une manifestation pro-européenne à Tbilissi, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Le canon à eau a créé un bref mouvement de panique, mais les protestataires se sont rapidement remis à tirer des feux d’artifice en direction de la police, qui a alors fait usage de gaz lacrymogène, au moment où la foule se trouvait dans une avenue proche du Parlement. Le ministère de l’intérieur a accusé dans un communiqué des manifestants d’avoir lancé sur les forces de l’ordre « divers types d’objets contondants, des engins pyrotechniques et des objets inflammables ».
Utilisation « disproportionnée » de la force
La présidente Salomé Zourabichvili, qui soutient le mouvement de protestation, a, au contraire, dénoncé sur X une utilisation « disproportionnée » de la force par la police, des « arrestations massives et mauvais traitements ». Des accusations soutenues par le commissaire aux droits humains, Levan Ioseliani, qui a fait état d’« actes de torture » de la police envers les manifestants, après avoir rendu visite à des protestataires placés en détention et blessés.
La plupart avaient « de graves blessures » à la tête ou aux yeux, a déclaré ce défenseur public. L’emplacement, la nature et la gravité des plaies laissent penser que « la police utilise la violence contre des citoyens comme une mesure punitive », a-t-il ajouté. « Les violences graves et délibérées infligées de façon punitive constituent un acte de torture. » Levan Ioseliani a notamment évoqué le cas d’un étudiant de 21 ans dont l’état est « grave ».
Selon le ministère de l’intérieur, 293 manifestants ont été interpellés depuis le début du mouvement et 143 policiers ont été blessés. Des manifestants et journalistes ont aussi été blessés ces derniers jours.
Le parti au pouvoir, Rêve géorgien, tente de présenter le mouvement de protestation comme le résultat d’une ingérence extérieure, et assure vouloir éviter au pays le destin de l’Ukraine, envahie par les troupes russes depuis bientôt trois ans. Ses responsables accusent l’Occident de vouloir entraîner la Géorgie dans une guerre avec Moscou. Le premier ministre, Irakli Kobakhidze, a fait promulguer plus tôt cette année une loi sur « l’influence étrangère » vue par ses détracteurs comme un outil juridique pour persécuter des associations n’étant pas dans la ligne du pouvoir.
Des manifestants pro-européens
Le gouvernement assure toutefois ne pas renoncer à ce que la Géorgie rejoigne l’UE malgré le report annoncé de toute négociation d’adhésion. Irakli Kobakhidze a estimé mardi que les Géorgiens mécontents l’avaient « mal compris » et que l’intégration européenne « progressait ». La veille, il avait rejeté toute négociation avec l’opposition, qui réclame de nouvelles législatives en dénonçant des fraudes lors du scrutin du 26 octobre, tout comme Bruxelles, ce que M. Kobakhidze a qualifié de « chantage ».
L’opposition accuse le gouvernement de vouloir se rapprocher de Moscou, et d’imiter ses méthodes répressives et autoritaires. Les Géorgiens défilent donc pour l’UE tout autant que contre la Russie voisine, la foule scandant régulièrement des slogans hostiles au Kremlin. Des manifestations ont aussi eu lieu ailleurs dans le pays, comme à Batoumi, la deuxième ville de Géorgie, selon les médias locaux.
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« Dans toute la Géorgie, les gens se soulèvent contre le régime fantoche russe », a salué lundi soir la présidente Salomé Zourabichvili. Cette ancienne diplomate française a assuré la semaine dernière qu’elle refuserait de rendre son mandat comme prévu fin décembre et resterait à son poste jusqu’à ce que de nouvelles législatives soient organisées. Si elle ne dispose que de pouvoirs très limités, elle est populaire auprès des manifestants, dont le mouvement, largement spontané et organisé en ligne, n’a ni dirigeant politique dominant ni réelle structure.
Le pays, niché sur les rives de la mer Noire, reste traumatisé par une brève guerre avec la Russie à l’été 2008. Moscou avait ensuite reconnu l’indépendance de deux régions séparatistes frontalières de son territoire, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, où elle maintient toujours une présence militaire.