La Géorgie a longtemps fait figure de modèle en matière de démocratisation dans l’espace post-soviétique. Mais depuis l’arrivée au pouvoir de Rêve géorgien, en 2012, et plus encore depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, en 2022, cette ex-République soviétique du Caucase s’enfonce dans l’autoritarisme avec des méthodes venues tout droit de Russie, alors même qu’elle a obtenu, en décembre 2023, le statut de candidate officielle à l’Union européenne. Déterminé à faire taire toute voix critique à six mois des élections législatives, en octobre, le parti au pouvoir, Rêve géorgien, a adopté mercredi 17 avril en première lecture son projet de loi controversé sur l’« influence étrangère ».
Le texte, calqué sur une loi russe visant à détruire les médias et la société civile, avait été abandonné un an plus tôt sous la pression populaire et internationale. Depuis son retour surprise au Parlement, début avril, des milliers de Géorgiens manifestent chaque jour pour réclamer son retrait, tandis que les condamnations à l’étranger se multiplient.
L’Union européenne et les Etats-Unis, les principaux bailleurs de fonds de ce pays de 3,7 millions d’habitants, ont tous deux dénoncé le projet de loi, jugé incompatible avec les valeurs démocratiques. Vendredi, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) s’est, à son tour, dite « préoccupée » face à ce « pas en arrière », qui menace de faire basculer le pays dans le camp de Moscou et compromet le double objectif inscrit dans la Constitution géorgienne : rejoindre l’UE et l’Alliance atlantique.
Ciblés par le projet de loi, les journalistes indépendants, déjà harcelés au quotidien et de plus en plus victimes d’agressions physiques, s’alarment face à ce qu’ils considèrent comme une « menace existentielle ». Sous couvert de « transparence », le texte, surnommé « loi russe » par ses détracteurs, oblige les organisations qui reçoivent au moins 20 % de financements étrangers à s’enregistrer sous l’appellation infamante d’« organisation servant les intérêts d’une puissance étrangère » et à publier un rapport financier annuel. Sinon, elles se verront infliger de lourdes amendes : environ 8 500 euros, une somme colossale pour les médias indépendants, dont la quasi-totalité, en ligne et déjà fragiles, ne vit que grâce au soutien de bailleurs de fonds étrangers, essentiellement occidentaux. Les journalistes dénoncent également le fait que le projet de loi pourrait permettre aux autorités de confisquer leurs ordinateurs, des documents confidentiels et d’accéder à leurs sources.
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