Il attrape les conserves de haricots verts et de sardine que Widly Nègre, médiatrice à la Croix-Rouge lui tend. Serge (tous les noms des personnes en situation de grande précarité ont été changés) remercie pour le chocolat chaud qui va avec, la trousse d’hygiène aussi, et puis s’excuse. « Je vais au boulot », articule-t-il. Le boulot, c’est un « job » qu’il exerce sur la place du marché aux épices de Pointe-à-Pitre, malgré une condition physique manifestement dégradée. Comme lui, d’autres personnes sans domicile, s’approchent du camion de la Croix-Rouge. Lundi 9 juin, en ce jour de Pentecôte, ils sont les seuls à être dehors dans la commune éteinte par le jour férié.
« Lui est en chaise roulante depuis quelques mois, il a une nécrose des os qui progresse », explique Mme Nègre, en montrant un homme à peine couvert d’un drap. Il récupérera une chemise, faute de pantalon ou de bermuda dans les affaires à distribuer. « Il est “psy” [atteint d’un trouble mental], comme on dit, et aussi consommateur de drogues », note Yannick Théodore, médiateur à la Croix-Rouge. Un peu plus loin, un monsieur, un peu fantomatique, déambule dans la rue, sous un soleil de plomb, le pantalon attaché par un nœud sur des hanches maigres. « C’est une ancienne étoile du Gwoka [art traditionnel mêlant chant, percussion et danse], à une époque il était très connu », décrit, en soupirant, M. Théodore.
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