C’est enfin l’apaisement, après un long conflit : le 24 octobre, les Amérindiens kali’na de Prospérité, un village de deux cents habitants, à Saint-Laurent-du-Maroni, se sont réunis avec les responsables de la centrale électrique de l’Ouest guyanais (CEOG). En jeu : la signature des statuts d’un fonds de dotation, par lequel la CEOG versera au village d’abord 150 000 euros, puis 50 000 euros par an, pendant les vingt-cinq ans d’exploitation. Une première étape dans un processus de dialogue encadré par un accord, scellé fin août. « Il y a eu de l’émotion, de part et d’autre, mais on a pris le temps de s’écouter », se satisfait Henry Hausermann, directeur de la CEOG.
L’entreprise doit livrer la centrale en 2026, avec plus de deux ans de retard. Couplant énergie solaire et stockage hydrogène, l’usine – qui a entraîné le déboisement de 70 hectares de forêt sur la commune voisine de Mana – doit fournir en électricité l’équivalent de 10 000 foyers dans l’Ouest guyanais, région soumise à de fréquentes coupures. Ce projet de 170 millions d’euros est mené par le fonds d’investissement Meridiam, avec la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA) et Hydrogène de France (HDF).
L’accord intervient après plus de deux ans d’un conflit dur. Des confrontations ont opposé les gendarmes protégeant le chantier à des dizaines de villageois, opposés à ce projet lancé à moins de deux kilomètres de leurs maisons, dans une forêt où ils chassent et pêchent. En 2022, des mobile homes ont été dégradés sur la base vie des travailleurs de la CEOG, des véhicules incendiés, un cocktail Molotov lancé sur un engin… Quatre habitants, dont le chef coutumier, ont été placés en garde à vue et poursuivis au pénal.
« Depuis le début de l’année [2024], on ne cesse de discuter de cette situation avec la communauté », explique Roland Sjabere, le chef coutumier de Prospérité. « La lutte et la résistance sont là, mais on sait réfléchir aussi… il y a eu un certain apaisement chez les habitants », ajoute-t-il. Après l’échec de la médiation des élus locaux, la mobilisation s’était étiolée, et le chantier avait repris en 2023.
Maintien des layons de chasse
Fin 2023, les villageois ont fait appel à Jérôme Bouquet-Elkaïm, avocat à Rennes, spécialiste en droit de l’environnement et des peuples autochtones. « Il n’y avait plus beaucoup de marges de manœuvre, explique le juriste, si ce n’est un engagement de principe signé en 2021 entre la CEOG et le village, dans le cadre duquel la société s’engageait à respecter le consentement préalable libre et éclairé des populations autochtones. »
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