Depuis leur arrestation en Iran le 7 mai 2022, il y a plus de trois ans, Cécile Kohler, 40 ans, et Jacques Paris, 72 ans, n’ont eu droit qu’à cinq visites de représentants de l’ambassade de France, chacune arrachée de haute lutte aux autorités iraniennes. La dernière, mardi 1er juillet, a permis d’établir qu’ils étaient vivants, deux semaines après le bombardement de la prison d’Evin, où ils étaient détenus, par l’armée israélienne.
La première n’a eu lieu que 200 jours après leur arrestation. Il s’est parfois écoulé onze mois entre deux visites. L’entretien est en général très bref – environ dix minutes – et se tient en présence de gardiens francophones. Toutes ces restrictions au droit consulaire, qui ont justifié le dépôt d’un recours par la France contre l’Iran auprès de la Cour internationale de justice, sont à elles seules inacceptables.
Les diplomates qui ont vu les deux enseignants, arrêtés la veille de leur départ de Téhéran au terme d’un voyage de tourisme de dix jours pendant les vacances de Pâques, ont pu constater leur détresse, due à des conditions de détention extrêmement dures que les autorités françaises assimilent à de la torture.
Emprisonnés séparément, soumis à l’isolement, on leur refuse de quoi lire et écrire. Leurs communications avec l’extérieur sont limitées et imprévisibles. Jacques Paris est handicapé par la perte de ses lunettes qu’il n’a pas pu remplacer. Ils ont tous deux été forcés, en octobre 2022, de faire des « aveux » filmés dans lesquels ils ont déclaré avoir voulu « préparer le renversement du régime iranien » pour le compte des services secrets français.
Sombres machinations
Il y a maintenant pire : Cécile Kohler et Jacques Paris ont été accusés ces derniers jours d’espionnage pour le compte du Mossad, le service de renseignement israélien, de complot et de corruption. Aussi fantaisistes que la première, ces accusations sont encore plus graves, car punissables de la peine de mort. Elles s’inscrivent dans le cadre d’une vague de répression accrue d’une dictature aux abois et d’une chasse aux agents israéliens après la campagne de frappes menée par Israël et les Etats-Unis contre les installations nucléaires iraniennes à partir du 13 juin. Après le bombardement de la prison d’Evin, les deux Français ont été transférés dans d’autres lieux de détention et l’on ignore aujourd’hui où ils sont.
Cécile Kohler et Jacques Paris sont évidemment innocents. Ce couple d’enseignants n’a rien à voir avec les sombres machinations auxquelles le régime iranien prétend les mêler pour nourrir sa haine de l’Occident et n’a rien à faire en prison. Ainsi qu’une vingtaine d’autres Européens ou binationaux emprisonnés et de même que six autres otages français que Paris a réussi à faire libérer au compte-gouttes, au prix de très difficiles négociations depuis 2020, ils sont utilisés comme pions par Téhéran pour faire pression sur leurs gouvernements, dans ce procédé ignoble et sinistre oxymore qu’est la diplomatie des otages.
Jeudi 3 juillet, le président de la République Emmanuel Macron a menacé l’Iran de « mesures de rétorsion » si les accusations à l’encontre de Cécile Kohler et de Jacques Paris étaient maintenues. Les Européens disposent notamment du levier du rétablissement de sanctions internationales qui avaient été allégées après l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien. L’extrême tension sur ce sujet ne va pas leur faciliter les choses, mais la libération de Cécile Kohler et de Jacques Paris doit rester une priorité.