Dès les premières heures du jour, une file d’attente se forme au « verrou nord », point tenu vingt-quatre heures sur vingt-quatre par les forces de l’ordre, qui marque l’entrée de la tribu de Saint-Louis (commune du Mont-Dore), au sud de Nouméa. Depuis le début des violences en Nouvelle-Calédonie, il y a cinq mois, la circulation sur la route qui traverse ce fief indépendantiste est quasiment impossible : car-jacking, coups de feu sur les gendarmes, jets de pierres, pas un jour ne passe sans intervention des forces de l’ordre. Début juillet, l’insécurité était telle que les autorités ont tout simplement interdit la circulation sur cet axe stratégique, le seul à relier le sud de la Grande Terre, et ses quelque 15 000 habitants, au reste du territoire.
Depuis lundi, les forces de l’ordre expérimentent le convoyage de véhicules sur deux créneaux horaires de trois heures chacun, le matin et le soir. Les civils sont autorisés à s’engager sur la route par groupes de dix, encadrés par des véhicules de gendarmerie, avec consigne de ne pas s’arrêter. Du jamais-vu depuis la quasi-guerre civile des années 1980. Tous les kilomètres, un Centaure, véhicule blindé dernière génération, est positionné en cas de problème. Au « verrou nord », sous un tivoli, un PC sécurité coordonne la surveillance. Sur un écran, des gendarmes regardent les images envoyées par un drone. Le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) est également présent. Soit un total de 200 hommes pour faire traverser 4 kilomètres de route aux – encore rares – automobilistes.
Il faut dire que l’ouverture à la libre circulation pendant quelques heures, samedi 5 octobre, a été un échec retentissant : un homme s’est fait dérober son véhicule en fin d’après-midi, au nez et à la barbe des militaires positionnés à moins de 500 mètres des lieux du vol. Pour autant, le général Nicolas Matthéos, qui commande la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie, reste optimiste : « Il faut laisser le temps de la désescalade, même si ce qui s’est passé est inacceptable. Il n’y a plus de tirs d’armes à feu, seulement quelques éléments isolés, souvent très jeunes, armés de cailloux. »
« Une vraie envie de normalisation »
A l’un des points chauds de la traversée, deux très jeunes hommes, cagoulés, s’approchent de la chaussée, projectile à la main, avant de soudainement rebrousser chemin en courant vers l’intérieur des terres. Car c’est une autre difficulté du maintien de l’ordre à Saint-Louis : si les gendarmes ont repris le contrôle de la route, il leur est encore impossible de pénétrer à l’intérieur de la tribu, à moins de vouloir risquer une confrontation. Une subtilité que la dizaine de jeunes qui a encore la volonté d’en découdre a bien compris.
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