Le candidat pro-européen Rafal Trzaskowski est arrivé, dimanche 18 mai, légèrement en tête du premier tour de l’élection présidentielle en Pologne, décisive pour l’avenir du gouvernement pro-européen en place, selon un sondage à la sortie des bureaux de vote.
M. Trzaskowski, soutenu par 30,8 % des électeurs, affrontera au second tour, le 1er juin, le candidat nationaliste Karol Nawrocki, soutenu par le parti Droit et justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski, crédité de 29,1 % des suffrages, d’après l’Institut IPSOS. Le taux de participation a été de 66,8 %, selon le sondage.
Le scrutin est décisif pour l’avenir du gouvernement pro-européen actuel, ainsi que pour la loi sur l’avortement et les droits des minorités sexuelles, à un moment délicat pour l’Europe en raison de la poursuite de la guerre en Ukraine, de la montée en puissance des partis d’extrême droite et des liens tendus avec les Etats-Unis.
« Ce résultat montre à quel point nous devons être forts, à quel point nous devons être déterminés », a déclaré M. Trzaskowski à ses partisans dans un stade couvert de la ville historique de Sandomierz, dans l’est de la Pologne. Le candidat nationaliste a quant à lui remercié ses électeurs, disant que sa victoire au deuxième tour empêchera la coalition en place de « monopoliser » l’ensemble du pouvoir en Pologne.
« Vous allez gagner »
Depuis que la coalition de l’ancien dirigeant européen Donald Tusk est arrivée au pouvoir en 2023, les initiatives clés du gouvernement sont souvent bloquées par le veto du président conservateur sortant Andrzej Duda.
La politique internationale a largement dominé la campagne électorale, notamment la question de la place de la Pologne entre l’Union européenne et les Etats-Unis, et mis en lumière un affrontement entre deux conceptions distinctes.
Les questions sociales ont également joué un rôle important dans les débats. Rafal Trzaskowski, 53 ans, a promis de soutenir les droits à l’avortement dans un pays où il est quasiment interdit et ceux de la communauté LGBT+.
Le parti Droit et Justice (PiS), qui soutient le nationaliste Karol Nawrocki, a souvent été en désaccord avec les alliés occidentaux de la Pologne et Bruxelles sur les questions du respect de l’Etat de droit, jusqu’à ce qu’il perde le pouvoir en 2023. M. Nawrocki, 42 ans, qui dit admirer Donald Trump, affirme que le président américain lui a dit « Vous allez gagner », lorsqu’ils se sont rencontrés à la Maison Blanche, au début du mois de mai.
Le résultat définitif de la présidentielle dépendra en grande partie du vote au second tour des partisans de Slawomir Mentzen, un candidat d’extrême droite, troisième dans les sondages, avec environ 15,4 % des suffrages. Celui-ci est un libertarien eurosceptique, fermement opposé à l’avortement et aux migrants, qui accuse les réfugiés ukrainiens, dont le nombre est évalué à environ un million, de profiter de la Pologne.
« Fondamentale »
Une victoire de M. Trzaskowski permettrait au gouvernement de tenir ses engagements les plus importants qui n’ont pas été honorés par la coalition en place ayant fait bien des déçus, en particulier parmi les défenseurs des droits des femmes, dont celui à l’avortement.
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Elle lui donnerait aussi la possibilité de réaliser des progrès dans le rétablissement de l’Etat de droit, mis à mal par le précédent gouvernement populiste et le président sortant. « Nous avons la possibilité de mettre de l’ordre dans notre pays […], nous sommes à un moment de grandes discussions sur l’avenir de la Pologne, de l’Europe et du monde », a dit à l’agence de presse PAP le prix Nobel de la paix Lech Walesa qui a voté à Gdansk.
Le chef de l’Etat polonais a des pouvoirs limités, mais dispose d’un droit de veto sur les initiatives législatives, une prérogative fréquemment utilisée par le président sortant. « Avec Nawrocki, le gouvernement sera de fait paralysé et cela peut mener à terme à la chute de la coalition au pouvoir », juge la politologue Anna Materska-Sosnowska. Son succès signifierait « en réalité le retour des populistes, avec une force décuplée, au plus tard dans deux ans », aux prochaines législatives, selon elle.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Tusk, la Pologne renforce sa position en Europe et occupe une place de première importance aux confins orientaux de l’Alliance atlantique, face à la Russie. Dans ce contexte, note Anna Materska-Sosnowska, la présidentielle est « fondamentale », non seulement pour la Pologne mais aussi face aux « tentatives d’arrêter la tendance antidémocratique, populiste, qui traverse l’Europe ».