Aucune odeur d’encens ni de bougie ne s’échappe de la Fondation Opale, alors même que cette institution consacrée à l’art aborigène contemporain et nichée haut dans le Valais, dans les Alpes suisses, convoque, avec l’exposition « Rien de trop beau pour les dieux », des autels de religions et de cultes du monde entier. « On ne parle jamais des expressions visuelles des différentes religions dans le monde, ni à l’université ni dans les musées, sauf si c’est ancien, bien sûr », relève Jean-Hubert Martin, commissaire indépendant célèbre pour avoir orchestré, en 1989, lorsqu’il dirigeait le musée du Centre Pompidou, à Paris, l’exposition « Magiciens de la Terre », qui a marqué un avant et un après dans le regard porté aux artistes non-occidentaux de tous les continents.
Cette question est pour lui un angle mort, qu’il entend pointer du doigt avec, pour sous-texte, une question : est-ce de l’art ? « Dans un musée d’art médiéval, on ne se pose pas la question, alors que ce sont des objets religieux devant lesquels on priait », analyse celui qui aspire aussi à en finir avec la distinction artistes/artisans : « Cette nuance n’existe pas dans les cultures non-occidentales. Lorsqu’une communauté honore ses ancêtres, ses esprits ou ses dieux, elle le fait avec ce qu’elle a de plus beau. Et contrairement à ce que l’on croit sur l’art africain ou océanien, les narrations et les formes évoluent, malgré la transmission de codes formels, et il y a de temps en temps un individu qui innove », argumente l’historien de l’art.
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