Les djihadistes et leurs alliés poursuivent leur progression sur Alep, la deuxième ville de Syrie. « La moitié de la ville d’Alep est désormais sous le contrôle [du groupe djihadiste] Hayat Tahrir Al-Cham et des factions alliées », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP), samedi 30 novembre, Rami Abdel-Rahmane, le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG sise au Royaume-Uni mais qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie. Selon lui, les forces du régime syrien se retirent « sans combat »
Parallèlement, des avions russes et syriens ont mené, vendredi, vingt-trois raids intensifs sur la ville d’Idlib et sa région, dernier bastion djihadiste et rebelle dans le nord-ouest de la Syrie, a fait savoir l’OSDH. En soutien des forces du régime, « l’armée de l’air russe effectue des frappes sur les matériels et les hommes des groupes armés illégaux, sur les positions, les stocks et l’artillerie des terroristes », a aussi déclaré un porte-parole du ministère de la défense russe cité par les agences russes.
Selon ce porte-parole, deux cents combattants ont été « éliminés » dans les dernières vingt-quatre heures. L’Agence France-Presse (AFP) n’était pas en mesure de vérifier ces informations.
« Offensive majeure »
Les combattants de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC, Organisation de libération du Levant) et des groupes alliés – dont certains sont proches de la Turquie – qui contrôlent Idlib, ont lancé une vaste offensive contre les zones tenues par le régime syrien. Les djihadistes étaient entrés vendredi après-midi « dans les quartiers ouest et sud-ouest » d’Alep, a expliqué M. Abdel-Rahmane.
L’armée syrienne a affirmé dans un communiqué publié sur Facebook en milieu d’après-midi qu’elle opérait dans les zones d’Alep et d’Idlib pour faire face à cette « offensive majeure ». « Nos forces armées ont pu infliger de lourdes pertes (…), tuant et blessant des centaines de terroristes », détaille le texte, qui ajoute que des dizaines de véhicules ont été détruits et que dix-sept drones ont été abattus.
Deux témoins ont confirmé à l’AFP avoir vu des hommes armés et fait état de panique à Alep en milieu de journée. Un peu plus tôt, les djihadistes et leurs alliés étaient parvenus « à près de 2 kilomètres » de la grande ville du nord de la Syrie, avait fait savoir Rami Abdel-Rahmane. Toujours selon l’OSDH, les combattants « ont pris le contrôle de plus de cinquante villes et villages des régions d’Alep et d’Idlib » qui étaient tenues par le régime. L’ONG rapportait aussi que les combats avaient atteint vendredi la ville stratégique de Saraqeb, tenue par le régime, située au sud d’Alep, à l’intersection de deux autoroutes. Dans la soirée, l’organisation a rapporté que les djihadistes et leurs alliés auraient finalement pris le contrôle de la ville. Ces derniers avaient coupé jeudi la route vitale reliant la capitale, Damas, à Alep.
Les plus violents affrontements depuis 2020
Selon l’agence officielle syrienne SANA, les djihadistes ont bombardé pour la première fois depuis quatre ans la grande ville, visant la cité universitaire, où quatre civils ont été tués. Le bilan des combats depuis le début de l’offensive lancée mercredi s’élève à au moins 277 morts, dont la plupart sont des combattants, a précisé l’ONG en fin d’après-midi. Plus tôt dans la journée l’OSDH avait fait état de vingt-quatre civils tués, dont dix-neuf dans des frappes de l’aviation russe, alliée du régime, sur les zones rebelles.
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Dans une conférence de presse, le chef du « gouvernement » autoproclamé à Idlib, Mohammad Al-Bachir, a justifié jeudi l’offensive en disant que le régime avait « commencé à bombarder les zones civiles, ce qui a provoqué l’exode de dizaines de milliers de civils ».
Il s’agit des plus violents affrontements depuis 2020 dans le nord-ouest de la Syrie, où la province d’Alep, en grande partie aux mains du régime de Bachar Al-Assad, jouxte le dernier grand bastion rebelle et djihadiste d’Idlib.
Plus de 14 000 personnes déplacées, selon l’ONU
Le Kremlin a appelé vendredi les autorités syriennes à « mettre de l’ordre au plus vite dans cette zone et à rétablir l’ordre constitutionnel », a déclaré à la presse son porte-parole, Dmitri Peskov, dénonçant l’offensive en cours comme une « attaque contre la souveraineté de la Syrie ». Le ministre des affaires étrangères iranien, Abbas Araghtchi, a, lui, « souligné le soutien continu de l’Iran au gouvernement, à la nation et à l’armée de la Syrie dans leur lutte contre le terrorisme », lors d’un appel téléphonique avec son homologue syrien, Bassam Al-Sabbagh. De son côté, le porte-parole du ministère des affaires étrangères turc a appelé à mettre « fin » aux « attaques » sur la ville d’Idlib et sa région. « Nous avons demandé qu’il soit mis fin aux attaques. Les affrontements récents ont généré une escalade indésirable des tensions dans la région frontalière », a-t-il écrit sur le réseau social X.
Il s’agit de la première réaction officielle de la Turquie depuis le début de l’offensive éclair des djihadistes contre le régime syrien, qui les a conduits en deux jours jusque dans Alep, deuxième ville du pays. « Il est de la plus haute importance pour la Turquie qu’une nouvelle phase d’instabilité plus grande encore soit évitée, et que les civils ne soient pas touchés », estime le ministère, qui souligne que « maintenir le calme à Idlib et dans la région frontalière (…) est une priorité pour la Turquie ».
Le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a déclaré que « plus de quatorze mille personnes, dont près de la moitié sont des enfants, ont été déplacées » en raison des violences. Le nord de la Syrie bénéficiait depuis ces dernières années d’un calme précaire, rendu possible par un cessez-le-feu instauré après une offensive du régime en mars 2020.
La trêve a été parrainée par Moscou avec la Turquie, laquelle soutient certains groupes rebelles syriens à sa frontière. Le régime syrien a repris en 2015 le contrôle d’une grande partie du pays avec l’appui de ses alliés russes et iraniens. La guerre civile en Syrie a fait plus d’un demi-million de morts et déplacé des millions de personnes.