La présidence syrienne s’est engagée, dans la soirée du vendredi 18 juillet, à envoyer des forces dans le sud du pays afin de « mettre fin aux affrontements » en cours à Soueida entre factions druzes et groupes tribaux armés, tout en appelant à la « retenue ».
Dans un communiqué, la présidence exhorte « toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier la raison » et précise que « les autorités compétentes travaillent à l’envoi d’une force spéciale pour mettre fin aux affrontements et résoudre le conflit sur le terrain, parallèlement à des mesures politiques et sécuritaires visant à stabiliser la situation et à assurer le retour au calme » dans cette ville à majorité druze.
Des affrontements opposent vendredi soir des combattants tribaux à des groupes druzes à l’entrée de Soueida, dans le sud de la Syrie où les combats ont déjà fait des centaines de morts et des dizaines de milliers de déplacés ces derniers jours. L’ONU a appelé à arrêter « l’effusion de sang » après les affrontements dans cette région à majorité druze qui ont éclaté dimanche soir et fait 638 morts selon un dernier bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Vendredi, l’hôpital gouvernemental de Souweïda a dit avoir accueilli « plus de 400 corps depuis lundi matin », parmi lesquels des femmes et des enfants. « Il n’y a plus de place à la morgue, les corps sont dans la rue », devant l’hôpital, a témoigné à l’AFP le médecin Omar Obeid, président de la section de Souweïda de l’ordre des médecins.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), près de 80 000 personnes ont fui leur domicile dans la province de Souweïda depuis le 13 juillet, dont 20 000 pour la seule journée du 17 juillet. L’organisation ajoute, dans un communiqué, que « les services essentiels à Souweïda, tels que l’électricité et l’eau, se sont effondrés », tandis qu’une « pénurie de carburant a paralysé les transports et a entravé les opérations d’évacuation d’urgence ».
Ces violences fragilisent encore plus le pouvoir du président intérimaire, Ahmad Al-Chareh, qui a renversé, à la tête d’une coalition de groupes rebelles islamistes le président Bachar al-Assad en décembre, dans un pays meurtri par près de quatorze ans de guerre civile.
Bombardements d’Israël
Le pouvoir syrien, disant vouloir rétablir l’ordre, avait déployé ses forces mardi à Soueida, jusque-là contrôlée par des combattants druzes. L’OSDH, des témoins et des groupes druzes ont toutefois accusé les forces syriennes d’avoir combattu au côté des Bédouins et d’avoir commis des exactions.
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Les forces gouvernementales s’étaient retirées jeudi de la ville, après des menaces et des bombardements d’Israël qui a dit vouloir protéger la minorité druze, M. Chareh affirmant sa volonté d’éviter une « guerre ouverte » avec Israël. Un cessez-le-feu a été conclu entre les parties syriennes mais la présidence a accusé jeudi soir les combattants druzes de l’avoir violé.
Vendredi matin, des combattants de tribus arabes sunnites, qui ont afflué de différentes régions syriennes pour prêter main-forte aux Bédouins, s’étaient massés autour de Soueida, selon des correspondants de l’Agence France-Presse (AFP) sur place. Et vendredi soir, quelque 200 de ces combattants ont été vus par l’AFP échangeant des tirs d’armes automatiques à l’entrée ouest de la ville avec les groupes druzes positionnés à l’intérieur. L’OSDH a confirmé des combats dans ce secteur, ajoutant que « des bombardements visaient des quartiers de la ville ».
Un chef tribal, Anas Al-Enad, a affirmé qu’il était venu avec ses hommes de la région de Hama (centre) « en réponse aux appels à l’aide des Bédouins ». Un correspondant de l’AFP a vu des maisons, des commerces et des voitures brûlés ou encore en train de brûler, dans le village druze de Walgha, désormais sous contrôle des forces tribales et des Bédouins.
Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a appelé à des enquêtes « rapides » et « transparentes sur toutes les violations ». « Cette effusion de sang et cette violence doivent cesser, et la protection de toutes les personnes doit être la priorité absolue », a déclaré M. Türk dans un communiqué publié vendredi matin. Le haut-commissaire a également fait part de ses préoccupations concernant les informations faisant état de victimes civiles à la suite des frappes aériennes israéliennes sur Souweïda, Deraa et dans le centre de Damas.
« Détérioration rapide de la situation humanitaire »
Dans la ville même, privée d’eau et d’électricité et où les communications sont coupées, « la situation est catastrophique. Il n’y a même plus de lait pour nourrissons », a déclaré à l’AFP le rédacteur en chef du site local Suwayda 24, Rayan Maarouf. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’est dit « profondément préoccupé par la détérioration rapide de la situation humanitaire » dans la région. « Les gens manquent de tout. Les hôpitaux ont de plus en plus de mal à soigner les blessés et les malades », a déclaré Stephan Sakalian, chef de la délégation du CICR en Syrie.
Mercredi, Israël avait bombardé plusieurs cibles au cœur de Damas dont le QG de l’armée, faisant trois morts selon les autorités. Les Etats-Unis, alliés d’Israël et affichant leur soutien au nouveau dirigeant syrien malgré son passé jihadiste, ont affirmé jeudi n’avoir apporté aucun soutien aux frappes israéliennes en Syrie.
Le président russe, Vladimir Poutine, a exprimé vendredi, lors d’une conversation téléphonique avec son homologue turc, sa « profonde préoccupation » face aux violences en Syrie, appelant à une « stabilisation », selon un communiqué du Kremlin. Ces combats « créent une menace pour l’ensemble de la région », a estimé Recep Tayyip Erdogan, ajoutant qu’il était essentiel, à ses yeux, qu’Israël ne viole pas la souveraineté syrienne, ont rapporté ses services.
Les combats avaient commencé dimanche entre groupes druzes et tribus bédouines locales, aux relations tendues depuis des décennies. Présente principalement à Soueida, la communauté druze de Syrie comptait avant la guerre civile quelque 700 000 personnes. Cette minorité ésotérique issue d’une branche de l’islam est aussi implantée au Liban et en Israël.