Un trait d’humour noir, suivi d’éclats de rire, dissipe, le temps d’un instant, la tristesse qui voile le regard de Samar Balaksi et de ses convives. « Oum Mohamed » a invité des voisines et des amies de l’atelier de couture dans son petit salon de Daraya, une ville située dans la banlieue sud-ouest de Damas. Assises sur des matelas posés au sol, elles ont chacune une histoire à raconter d’un époux ou d’un fils qui a disparu ou a été tué dans la répression brutale du soulèvement de 2011 par le dictateur déchu, Bachar Al-Assad. « C’est simple, 75 % des femmes de Daraya ont un mari ou un fils qui a soit été tué, soit été arrêté et a disparu. Nos enfants étaient des hommes mariés, donc ça a touché beaucoup de familles », explique Hadiyé Dara’el, une veuve de 61 ans dont deux fils ont disparu durant la guerre civile.
Wassim Dara’el avait 24 ans lorsqu’il a été arrêté en 2012, peu de temps avant le premier massacre perpétré à Daraya par les forces loyalistes. Son frère Hossam a été arrêté en 2013. Il avait 25 ans. « On a eu des nouvelles de Hossam les deux premiers mois, puis plus rien. Pendant trois ans, des détenus libérés de prison nous ont donné des nouvelles de Wassim, puis plus rien. Il était à la prison de l’armée de l’air de Mazzeh. Mon mari est mort d’une crise cardiaque deux mois après l’arrestation de Hossam », raconte Hadiyé Dara’el. Il lui reste un fils et une fille.
La place des Martyrs marque l’entrée principale de Daraya. Avant la chute de l’ancien régime, elle portait encore le nom de « place du Martyr-Bassel-Al-Assad », du nom du frère aîné du président déchu, mort dans un accident de voiture en 1994. La cité rebelle, surplombée par l’aéroport militaire de Mazzeh et les collines où était positionnée la 4e division armée, a été soumise au prix fort par le régime d’Al-Assad.
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