Une nouvelle période d’incertitude s’ouvre en Thaïlande après la suspension, mardi 1er juillet, par la Cour constitutionnelle de la première ministre, Paetongarn Shinawatra, héritière de la dynastie qui polarise le royaume depuis plus de vingt ans.
Malgré les excuses présentées par Paetongtarn Shinawatra le 19 juin, les juges ont décidé à une majorité de sept contre deux de suspendre la cheffe du gouvernement, accusée par des sénateurs conservateurs d’avoir enfreint les « standards éthiques » mentionnés dans la Constitution, dans sa gestion des tensions à la frontière avec le Cambodge.
La polémique enfle depuis un appel téléphonique avec l’ancien dirigeant cambodgien Hun Sen, que ce dernier a partagé en ligne à l’insu de la première ministre. Un parti-clé de la coalition de Paetongtarn l’accuse d’avoir manqué de respect à l’armée durant cette conversation privée, dans laquelle elle a notamment comparé un général à un « opposant ».
Depuis les années 2000, des troubles politiques à répétition secouent la deuxième économie d’Asie du Sud-Est, encore plus fragilisée par l’offensive douanière américaine annoncée par Donald Trump le 2 avril. Et à chaque cycle de trouble, le même nom revient : Shinawatra, la richissime famille honnie par l’establishment conservateur, qui accuse ses membres de corruption et d’attiser les tensions dans un royaume proclamé indivisible derrière le roi. De leur opposition, ont découlé deux coups d’Etat, en 2006 et 2014 ; des manifestations géantes, certaines réprimées dans le sang ; ainsi qu’une cascade de poursuites judiciaires.
Une stabilité politique sur le fil
Troisième Shinawatra à occuper le poste de premier ministre, après son père et sa tante Yingluck, Paetongtarn subit la crise la plus sévère depuis sa prise de fonctions, que ses rivaux ont mis sur le compte de son inexpérience et de son manque de poigne.
L’avenir de la plus jeune première ministre qu’ait connue le royaume, aujourd’hui âgée de 38 ans, s’inscrit en pointillé le temps des délibérations de la Cour, qui peuvent durer des semaines, voire des mois. Ces prochaines semaines, les Shinawatra vont jouer leur survie politique devant les juges qui, par le passé, ont condamné ses membres les plus influents, et dissous leurs partis affiliés – d’autant qu’au même moment, s’est ouvert le procès du chef du clan, Thaksin, 75 ans. Il est accusé de lèse-majesté et d’avoir insulté le roi et sa famille dans un entretien publié dans un journal sud-coréen en 2015, quelques mois après le putsch ayant visé sa sœur Yingluck. Des propos diffamatoires que l’intéressé nie.
La justice thaïlandaise a l’habitude d’avoir la main lourde pour faire respecter la loi sur la lèse-majesté, l’une des plus sévères au monde. Des groupes de juristes et des militants des droits humains ont régulièrement critiqué l’instrumentalisation de cette loi pour bâillonner les voix critiques de la monarchie et de ses alliés.
L’an dernier, pour un cas similaire, les délibérations ont pris environ trois mois, jusqu’à ce que la Cour décide de destituer le premier ministre d’alors, Srettha Thavisin, en vertu du même article sur l’intégrité des ministres.