Près d’une cinquantaine de proches et de partisans du maire d’opposition d’Istanbul, incarcéré fin mars, ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête pour corruption qui le vise, a fait savoir, samedi 26 avril, le parquet de la ville turque. « Dans le cadre de l’enquête, des mandats d’arrêt ont été émis à l’encontre de 53 personnes » à Istanbul et à Ankara notamment, dont « 47 ont été arrêtées », a annoncé le parquet général d’Istanbul dans un communiqué.
Ekrem Imamoglu, l’un des plus farouches opposants au président Recep Tayyip Erdogan, a été arrêté le 19 mars et placé en détention le 25 mars ; il est accusé entre autres de corruption, alors qu’il devait être désigné par son parti, le Parti républicain démocrate (CHP) , comme son candidat à la future élection présidentielle, en principe prévue en 2028.
Parmi les personnes arrêtées samedi matin, selon la presse turque, figurent le chef de cabinet du maire, Kadriye Kasapoglu, le frère de son épouse Dilek Imamoglu, le responsable de l’administration chargée des eaux et d’anciens responsables de la mairie. Selon le site d’information Bir Gün, proche de l’opposition, des perquisitions étaient toujours en cours samedi matin au domicile des personnes concernées, à Istanbul, Ankara et Tekirdag.
Un projet de canal décrié
Pour les responsables du CHP d’Istanbul, ces arrestations sont liées à l’opposition de la municipalité au grand projet controversé « Kanal Istanbul », censé doubler la voie maritime du Bosphore.
Le projet, présenté en avril 2011 par Recep Tayyip Erdogan – alors premier ministre – relierait la mer Noire et la mer de Marmara afin de désengorger le détroit du Bosphore, sur 50 kilomètres de long, 150 mètres de large et 25 mètres de profondeur. Il est fortement décrié par les défenseurs de l’environnement car il empiéterait sur des terrains naturels et agricoles et altérerait le bassin de retenue qui alimente en partie Istanbul en eau.
En meeting à Mersin, dans le sud du pays, le chef du CHP, Özgür Özel, a accusé le gouvernement d’avoir « relancé » le projet juste après l’arrestation d’Ekrem Imamoglu. Ce qu’a démenti le gouvernement turc, assurant que « l’opération fait suite à l’enquête ouverte le 19 mars contre le maire pour corruption ».
« L’opération d’aujourd’hui n’est pas une coïncidence », a affirmé le responsable provincial du CHP d’Istanbul, Özgür Celik, sur le réseau social X, en expliquant que l’administration des eaux et canalisations de la mégapole (ISKI) a ordonné la démolition et l’arrêt des chantiers de construction le long du tracé du canal. « Les employés de la municipalité qui se sont opposés [au projet] sont actuellement au poste de police principal », a-t-il ajouté. « Le prix que fait payer le gouvernement minoritaire à notre pays devient chaque jour plus lourd », a-t-il accusé.
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Le vice-président du groupe CHP au Parlement, première force d’opposition, Gökhan Günaydin, a également affirmé que « la vraie raison de ces arrestations est le canal Istanbul » et estimé que « la municipalité métropolitaine d’Istanbul est devenue pratiquement inopérante », privée de la majorité de ses cadres.
De sa cellule, Ekrem Imamoglu a dénoncé ces arrestations et s’en est pris à « une poignée d’ambitieux (…) qui se sont mis à remplir des dossiers vides, de mensonges et de calomnies ». Ce dernier s’est toujours opposé au projet, affirmant dès 2021 que les terrains bordant le futur canal avaient été cédés à des partisans du président turc : « C’est un projet de BTP et d’immobilier », déplorait-il, avant d’affirmer que « la principale motivation d’Erdogan, c’est l’argent, l’argent et encore l’argent ».