La contestation menace de s’étendre, vendredi 21 mars, en Turquie, avec de nouveaux appels à manifester en soutien à Ekrem Imamoglu, maire d’Istanbul et rival du président Erdogan, au surlendemain de son arrestation pour « terrorisme » et « corruption ».
Özgür Özel, le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), premier parti d’opposition auquel appartient M. Imamoglu, a exhorté les Turcs à sortir dans les rues à 20 h 30 (18 h 30, à Paris), après le repas de rupture du jeûne du ramadan, « dans les 81 provinces et 973 districts » du pays, malgré les mises en garde des autorités.
« Désormais, personne ne doit s’attendre à ce que le CHP fasse de la politique dans des salles ou des bâtiments. Désormais, nous sommes dans la rue et sur les places », a prévenu jeudi soir Özgür Özel devant l’hôtel de ville d’Istanbul, où des milliers de manifestants étaient réunis pour le deuxième soir d’affilée. Au total, des manifestations se sont tenues depuis mercredi dans au moins 32 des 81 provinces turques, selon un comptage de l’Agence France-Presse (AFP). Le ministre de la justice, Yilmaz Tunç, a qualifié d’« illégaux et inacceptables » les appels répétés de l’opposition à manifester.
Canons à eaux et balles en caoutchouc
A Istanbul, où les rassemblements ont été interdits jusqu’à dimanche, la situation s’est tendue, jeudi soir, et la police a fait usage de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc pour bloquer des manifestants qui voulaient se diriger vers l’emblématique place Taksim depuis l’hôtel de ville. La police a également fait usage de canons à eaux et de balles en caoutchouc à Ankara, ont constaté des journalistes de l’AFP. 53 personnes ont été interpellées et 16 policiers ont été blessés lors de heurts avec les manifestants, selon les autorités.
Outre à Istanbul, les autorités ont interdit tout rassemblement jusqu’à mardi soir à Ankara, la capitale, et à Izmir, la troisième ville du pays, acquise à l’opposition.
Jusque-là silencieux, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a commenté jeudi soir cette contestation, inédite depuis les grandes manifestations de 2013 parties de la place Taksim, en accusant le CHP d’« hypocrisie ». « Les problèmes du CHP ne sont pas les problèmes du pays et du peuple, mais les problèmes d’une poignée de personnes ambitieuses », a-t-il déclaré, estimant que la Turquie « n’a pas de temps à perdre avec les spectacles de l’opposition ».
Ekrem Imamoglu, vu comme le principal rival du chef de l’Etat, devait être investi dimanche candidat du CHP à la prochaine présidentielle. Mais le diplôme universitaire de l’édile, réélu triomphalement en 2024 après avoir ravi Istanbul en 2019 au parti AKP au pouvoir, avait été annulé mardi soir, quelques heures avant son arrestation, ajoutant un obstacle sur sa route, la Constitution turque exigeant que tout candidat à la présidence justifie d’un diplôme d’enseignement supérieur.
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Les charges pesant contre lui, en particulier celle de « soutien au terrorisme », font désormais redouter à ses partisans qu’il puisse être incarcéré à l’issue de sa garde à vue dimanche et remplacé par un administrateur nommé par l’Etat à la tête de la municipalité d’Istanbul.
Restrictions aux réseaux sociaux levées
« Le maire n’est ni corrompu, ni voleur, ni terroriste », a lancé jeudi soir le chef du CHP à la foule réunie devant l’hôtel de ville d’Istanbul, promettant de « ne pas abandonner la lutte jusqu’à ce qu’Imamoglu et les autres maires emprisonnés soient libérés ».
Au total, 88 personnes, arrêtées pour la plupart en même temps que le maire, étaient toujours en garde à vue vendredi.
Cette contestation intervient un an après la débâcle subie par le Parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan lors des élections municipales, dans un contexte de crise économique.
Les restrictions d’accès à plusieurs réseaux sociaux et messageries, dont X et WhatsApp, en œuvre depuis mercredi matin à Istanbul, ont été levées dans la nuit de jeudi à vendredi, selon une association turque de surveillance de l’Internet et des correspondants de l’AFP. 54 internautes ont été arrêtés depuis mercredi pour des messages sur les réseaux sociaux qualifiés de provocateurs par les autorités, a indiqué vendredi matin le ministre de l’intérieur turc.