Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a réclamé à la Turquie un allégement de « l’isolement » carcéral d’Abdullah Öcalan, présentant son fondateur comme le « négociateur en chef » du groupe en cas de pourparlers de paix, après quatre décennies d’une guérilla sanglante.
Dans un entretien à l’Agence France-Presse (AFP), lundi 19 mai au soir, le mouvement a fustigé le manque de « garanties » apportées par la Turquie pour lancer ce processus. Le groupe – classé organisation « terroriste » par Ankara et ses alliés occidentaux – a dit refuser tout exil de ses membres.
Dans une annonce historique faite le 12 mai, le PKK a proclamé sa dissolution et la fin de quatre décennies d’une guérilla ayant fait plus de 40 000 morts. L’organisation répondait à un appel lancé à la fin de février par son chef historique, Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999. Si le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a salué cette dissolution, le ministère de la défense a averti que les opérations contre le PKK se poursuivraient jusqu’à ce que son aire de déploiement soit « nettoyée ».
Processus de désarmement
Avec la dissolution et la fin de la « lutte armée », « nous donnons une réelle chance à la paix », a plaidé Zagros Hiwa, porte-parole de la branche politique du PKK, dans des réponses écrites envoyées à l’AFP. Les pourparlers seront emmenés par le fondateur du PKK, qui purge une peine d’isolement à vie sur l’île-prison d’Imrali, près d’Istanbul.
« Nous attendons de l’Etat turc des amendements des conditions d’isolement sur l’île-prison d’Imrali, et qu’il fournisse au leader [Öcalan] des conditions de travail libres et sûres afin qu’il puisse diriger le processus, a-t-il ajouté. Le leader est notre négociateur en chef. (…) Il est le seul qui puisse diriger l’application concrète des décisions prises par le PKK. »
Pour certains observateurs, le gouvernement turc pourrait faire preuve d’une nouvelle ouverture envers les Kurdes, qui représentent environ 20 % des 85 millions d’habitants du pays.
La Turquie a fait savoir qu’elle surveillerait attentivement le processus de désarmement du PKK, replié sur ses bases arrière dans les régions montagneuses du nord de l’Irak, dans la région autonome du Kurdistan irakien.
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Interrogé sur ce désarmement, M. Hiwa a assuré que « les négociations n’[avaient] pas encore débuté », malgré des « contacts » et des « discussions » à la prison d’Imrali. « Ces questions seront abordées lors des négociations [de M. Öcalan] avec les responsables de l’Etat turc », a souligné M. Hiwa, également porte-parole de l’Union des communautés du Kurdistan (KCK), qui chapeaute le PKK.
« Une vraie paix nécessite l’intégration, non l’exil »
Si l’incertitude règne sur le sort réservé aux combattants du mouvement qui espèrent une amnistie, des médias turcs ont récemment rapporté que des cadres pourraient être contraints à l’exil dans des pays tiers, citant la Norvège ou l’Afrique du Sud, tandis que d’autres devraient rester dans le nord de l’Irak.
« Si l’Etat turc veut sincèrement et sérieusement faire la paix, il devrait procéder aux amendements législatifs nécessaires pour que les membres du PKK soient intégrés à une société démocratique, a plaidé M. Hiwa. L’exil contrevient à la paix et à toute solution démocratique (…). Une vraie paix nécessite l’intégration, non l’exil. »
Il a par ailleurs déploré le manque de mesures prises par Ankara pour faciliter la paix. « La Turquie n’a pas cessé ses opérations militaires » dans le nord de l’Irak. « A ce jour, des bombardements et des tirs d’artillerie continuent de viser nos positions. »
Depuis des années, le combat opposant l’armée d’Ankara au PKK empiète sur les territoires des voisins de la Turquie, l’Irak et la Syrie. Ankara a lancé plusieurs offensives dans le nord-est de la Syrie contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par des combattants kurdes alliés aux Occidentaux et engagés dans la lutte contre les djihadistes, mais considérés par Ankara comme une extension du PKK.
Dans une Syrie morcelée par la guerre, le tout nouveau pouvoir de Damas a lancé un houleux processus de négociations avec les FDS en vue de leur réintégration dans l’appareil étatique. « Nous n’intervenons pas dans les affaires concernant les FDS », a assuré M. Hiwa, tout en soulignant que le processus en cours entre le PKK et la Turquie aurait « des implications positives » pour « résoudre la question kurde » ailleurs dans la région.