La jeune femme en rose a été avertie deux heures plus tôt qu’« il » serait là. Oui, son amoureux a été « échangé ». Ce vendredi d’été, quand le convoi de prisonniers ukrainiens arrivés de Russie via la Biélorussie traverse la cour de cet hôpital de la région de Tchernihiv, dans le nord de l’Ukraine, le chœur d’une centaine de femmes présentes lance des « bienvenue ! » de toutes ses forces. La plupart, pourtant, n’ont pas reçu le coup de fil miracle du HUR, le service de renseignement militaire ukrainien, comme la jeune femme en short et chemise roses. Leur mari, leur fiancé, leur fils, leur frère ne sont pas de cet échange. Dans le convoi ne se trouvent d’ailleurs que des prisonniers de moins de 25 ans.
Certaines femmes ont pourtant avalé des centaines de kilomètres pour se retrouver, à midi pile, dans la cour de l’hôpital. Elles forment une « famille de pèlerins », comme l’appelle un officier du HUR habitué de ces échanges. Une petite tribu qui tient des réunions, se téléphone, s’encourage, s’organise face au grand flou qui entoure leurs « hommes ». Selon les informations disponibles, environ 8 000 prisonniers de guerre ukrainiens se trouvent en Russie ou dans les territoires occupés, mais ce chiffre ne recense que ceux qui en ont le statut officiel. Beaucoup d’autres sont des détenus « non confirmés », comme les désignent les ONG, dont la disparition plonge des familles dans l’angoisse. Elles n’ont d’autre choix que de scroller sur Telegram des vidéos de captifs ukrainiens filmés par des soldats russes, et de ne rater aucun échange, hissant ces jours-là des pancartes avec la photo de leur proche, portant son portrait floqué sur un tee-shirt ou une bannière nouée à la taille.
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