Chaque mois, c’est le même ballet. Yann (les témoins cités par leur prénom n’ont pas souhaité donner leur nom de famille), Parisien de 29 ans, se décide à supprimer Grindr de son téléphone. Avant de retélécharger l’application, devenue un incontournable des rencontres sexuelles entre hommes gay, souvent rapides et sans lendemain. « Je sais qu’elle ne me fait pas du bien, mais c’est comme si je ne pouvais pas m’empêcher d’y revenir », raconte-t-il. Yann a commencé à surfer sur Grindr à 18 ans, sa grille de profils où s’affichent une myriade de torses nus et ses prises de contact directes et souvent crues. Un océan de possibles, dans lequel le jeune homosexuel plonge avec frénésie, jusqu’à peu à peu passer des heures, le soir, à scroller et à lancer des dizaines de conversations. Le jeu consiste à « se chauffer » le plus vite possible, avant un potentiel « plan » sexe express, régi par des « scénarios qui sont toujours les mêmes ».
« Dernièrement, j’ai réalisé à quel point cela avait modelé mes fantasmes », confie-t-il. Alors que, à 28 ans, il entame sa première relation de longue durée, cela pèse sur sa vie intime. « En dix ans de plans Grindr, j’ai assimilé le sexe à quelque chose de rapide et brutal, dans la domination ou la soumission, avec des rôles définis selon l’apparence physique similaires à ce qu’on voit dans le porno. Et je n’arrive pas à en sortir », raconte ce responsable en développement durable.
Heureux avec son compagnon, il voudrait laisser l’application de côté, mais ne réussit pas à s’en passer. « Je me connectais en cachette pour lancer des discussions. Je ne passais jamais à la rencontre réelle, mais j’avais besoin de ces pics d’excitation », admet Yann. Ce qu’il identifie désormais comme une « addiction » a eu raison de son couple. « Après cette rupture, je me suis dit que Grindr, c’était fini. Puis la solitude revient, explique-t-il. Je ne sors pas trop dans les bars gay, je ne m’y sens pas à l’aise, alors c’est dur de faire des rencontres sans ça. »
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