C’est l’un des nouveaux visages de la propagande du chef du Kremlin. Vladimir Poutine ne cesse de répéter que les « héros » de son « opération spéciale » en Ukraine seront récompensés. Télévisions et réseaux sociaux au service des autorités ont, pour cette raison, fait grand cas de Maria Kostiouk. Par oukase présidentiel, cette mère de soldat tué sur le front a été nommée, le 5 novembre, gouverneure de région. Une promotion expresse, symbole des opportunités que doit permettre l’offensive militaire. « Tous ceux servant la Russie, ouvriers et guerriers » formeront une nouvelle et « véritable élite », avait promis, le 29 février, Vladimir Poutine dans son discours à la nation pour mieux fustiger les élites des années 1990 qui, lors de la chaotique décennie de sortie du communisme, « se sont rempli les poches par toutes sortes de processus dans l’économie ». Moins de neuf mois plus tard, le président était tout sourire pour, devant les caméras et sous les dorures de son bureau, accueillir Maria Kostiouk, 47 ans, désormais à la tête du Birobidjan, en Extrême-Orient, à la frontière chinoise.
« C’est à la fois inattendu et une grande responsabilité. Je ferai tout ce qui est possible pour justifier votre confiance, pour être digne de la mémoire de mon fils. Il a fidèlement servi la patrie », a promis Mme Kostiouk au président. Qui, lui, a joué son rôle de père protecteur. « Je tiens à vous remercier d’avoir élevé un véritable guerrier russe, car Andreï est mort en accomplissant son devoir militaire », lui a-t-il répondu. Les images de cette inédite promotion ont, depuis, abondamment circulé sur les télévisions publiques et sur les réseaux sociaux orchestrés par le Kremlin.
Le message est clair : alors que, dans les rues à travers la Russie, les affiches de mobilisation de volontaires sont omniprésentes, il s’agit de montrer aux potentielles recrues qu’elles travaillent aussi pour le bien de leur famille. Outre les mirobolantes primes financières, les autorités promettent de nombreux avantages, depuis l’entrée directe à l’université pour les enfants jusqu’à la formation professionnelle pour l’épouse. Un véritable ascenseur social. Avec l’exemple de Maria Kostiouk, cela doit aussi devenir un ascenseur politique.
De temporaires permissions seulement
L’image est belle mais la réalité plus nuancée, révélatrice des fractures au sein de la société. Cette mère de famille modèle évoluait en fait depuis des années déjà dans le système fidèle au Kremlin. Diplômée en « gestion étatique et municipale » de l’académie régionale d’économie et de droit, haute fonctionnaire locale, ancienne maire adjointe de la ville de Birobidjan, Maria Kostiouk avait jusque-là occupé de multiples postes au sein de l’administration de sa région. Elle avait notamment été vice-présidente du gouvernement local puis cheffe de cabinet adjointe du gouverneur. Plus important encore, sa carrière a évolué au fil de sa croissante implication dans les organisations patriotiques et de jeunesse orchestrée par Russie unie, le parti du Kremlin.
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