D’une part, on conseille de « pleurer un bon coup », parce que ça fait du bien.
Mais verser des larmes en public reste encore un tabou, surtout pour les hommes.
Les larmes ont un pouvoir thérapeutique : celui de soulager et d’apaiser.
On peut pleurer pour de nombreuses raisons : de joie, de chagrin, de tristesse, de désespoir, de rage, de colère, de fatigue. Certains pleurent devant un film, en écoutant de la musique, en écoutant une histoire, un témoignage… C’est une manière d’évacuer une émotion forte. Pourtant, pleurer est souvent vu comme un tabou, une marque de faiblesse ou une vulnérabilité qu’il ne faut surtout pas laisser transparaître. Néanmoins, ce déluge lacrymal soulage et apaise. « Cela permet de libérer les tensions, de ramener notre organisme à un état émotionnel plus stable« , explique la psychologue Joëlle Denoyer, interrogée par Le Figaro.
Le pouvoir thérapeutique des larmes
Dans les années 1980, le biochimiste américain William Frey a analysé la composition des larmes versées par des patients suivis en thérapie. Il a ainsi découvert que les larmes sont composées d’hormone adénocorticotropine, une hormone produite par l’organisme lorsque nous sommes dans un état de stress, mais également de la prolactine, de la leucine encéphalique (sorte d’analgésique produite par le corps) mais aussi du manganèse et du potassium. Surtout, il a démontré que les larmes « émotionnelles » sont beaucoup plus chargées en protéines et en hormones que les larmes qui lubrifient et protègent l’œil, à savoir les larmes basales. Ces larmes émotionnelles activent le système parasympathique, rétablissent le calme dans le corps et déclenchent les « hormones du bien-être » à savoir les endorphines et l’ocytocine et libèrent le cortisol. « On est moins stressé quand on pleure. Et on ressent aussi un peu de plaisir, car ça libère des endorphines« , insiste justement Bruno Humbeeck, psychopédagogue, à RTBF.
Boys don’t cry ?
Pleurer est donc une bonne chose, pourtant dans nos sociétés actuelles, les larmes suscitent le dédain, les moqueries et la honte, surtout lorsque ces larmes sont versées en public. Pleurer est humain et surtout, il n’est pas l’apanage d’un genre. Hommes et femmes possèdent le même système lacrymal, mais les études montrent que les hommes pleurent quatre à cinq fois moins. D’après Bruno Humbeeck, c’est au 19e siècle que l’on a fait des larmes, une marque de faiblesse « et on l’a associé à un genre vulnérable, la femme ou un état inférieur qui est celui de l’enfant. Et là les pleurs sont devenus suspects« . À cette époque, on considère que la raison est côté des hommes et les émotions, des femmes…
Toutefois, à l’Antiquité, même les héros pleurent, comme le souligne Anne Vincent Buffault, historienne des sensibilités, interrogée par France Culture. « Les larmes d’Achille sont des larmes tout à fait viriles et héroïques, qui même démontrent son énergie virile« , explique-t-elle. Chez les Romains, Jules César lui-même, a pleuré lorsqu’il a franchi le Rubicon. Pourtant, pleurer ne devrait pas susciter le dédain. Certains hommes politiques se sont laissé aller à quelques larmes publiques, à l’instar de Barack Obama en 2016 en plein discours face aux familles des victimes des fusillades annuelles. Parce que pleurer est humain et contrairement à ce que chantait The Cure, « boys cry ». Ce qui fait dire à Olivia Gazalé, professeure de philosophie, interrogée par Slate, « un homme sans émotions est un humain hémiplégique, enfermé dans la solitude de son cœur« . Pour elle, la retenue des larmes est « une amputation d’une immense partie de leur être« .