En médecine et en psychologie, le mot trouble désigne une variation de fonctionnement provoquant une souffrance ou une gêne dans la vie d’un individu.
Utilisé hors du cadre clinique, il peut coller à l’image d’une personne.
Fanny Terrisse, une psychologue qui crée du contenu sur les réseaux sociaux, alerte sur la surutilisation de ce terme.
Troubles de l’attention, troubles du comportement obsessionnel compulsif (TOC), troubles bipolaires… Le mot trouble est utilisé dans le diagnostic de certaines souffrances qui affectent la vie d’individus. Sur les réseaux sociaux, de plus en plus d’informations présentées comme des causes liées à ces troubles font fleurir les autodiagnostics.
Trop de café, insomnies, ne pas savoir rester en place… : en 2022, un « TDAH bingo » qui présentait une grille de divers comportements supposés liés au trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité invitait les personnes à penser qu’elles pouvaient être atteintes de ce trouble. Or, les personnes diagnostiquées subissent des symptômes plus handicapants. Face à l’abondance du mot trouble, Fanny Terrisse rappelle que « ce mot n’est pas neutre » comme elle l’explique dans un post Instagram.
Pourquoi le mot trouble est-il un terme « réducteur » ?
Selon cette psychologue, les difficultés que rencontre une personne diagnostiquée « ne sont pas liées à la neurotypie en soi, mais à l’environnement normé dans lequel elle évolue ». En d’autres termes, le mot trouble ne met pas assez l’accent sur la façon dont fonctionne une personne. « On parle de ‘troubles’ du neurodéveloppement, de déficit de l’attention, de troubles des apprentissages… comme si ces fonctionnements devaient forcément être abordés sous l’angle du manque, du dysfonctionnement ou de la pathologie », rappelle la psychologue sur son compte @lapsy_descouleurscachees.
Pour Fanny Terrisse, le mot trouble véhicule une image négative. « Il déplace le regard uniquement sur ce qui ne va pas, sur ce qu’il faudrait corriger, compenser ou normaliser », explique-t-elle. Une réflexion approuvée par une internaute, maman de filles diagnostiquées TSA (trouble du spectre de l’autisme) et TDAH. « Mon aînée (très haut potentiel intellectuel également) se demandait, je cite ‘pourquoi on dit de nous que nous avons un trouble ? Nous sommes normaux, mais avec un fonctionnement différent : est-ce que ça veut dire que les autres ont peur de la différence ?’ », fait-elle remarquer en commentaire de la publication.
10 à 15% de la population serait neuroatypique
« D’après plusieurs études, 10 à 15% de la population serait neuroatypique », rappelle Séverine Leduc, psychologue spécialisée dans la prise en charge des troubles du spectre autistique invitée sur France Inter en 2024. « Il y a une augmentation du nombre de personnes qui ont des particularités », constate l’auteure du livre Eloge des intelligences atypiques (éd. Odile Jacob).
Cela s’explique par l’amélioration des critères de diagnostic, mais il y a aussi un accroissement des personnes neuroatypiques lié à plusieurs raisons. « Nous avons des suspicions environnementales assez fortes. On vit dans un environnement qui est bourré de perturbateurs endocriniens, de pesticides. C’est multifactoriel. Il n’y a pas une substance qui provoque cela, mais une multitude de substances qui sont en cause », détaille la professionnelle qui explique aussi que des personnes vivent sans jamais se faire diagnostiquer.