Sept familles d’enfants transgenres et/ou non-binaires ont intenté une action en justice, mardi 4 février, contre le décret pris par Donald Trump visant à mettre fin aux aides publiques pour les soins d’affirmation de genre pour les personnes transgenres de moins de 19 ans.
Les associations PFLAG (Parents, families and friends of lesbians and gays, « Parents, familles et amis de lesbiennes et gays »), et GLMA (Health Professionals Advancing LGBTQ+ Equality, « Les professionnels de la santé qui font progresser l’égalité pour les personnes LGBTQ+ »), qui regroupe des soignants LGBTQIA + et alliés, se sont également joints à cette contestation judiciaire devant le tribunal fédéral de Baltimore.
Celle-ci intervient une semaine après que M. Trump a signé un décret demandant au gouvernement fédéral de cesser de financer les soins médicaux par l’intermédiaire des programmes d’aides publiques gérés par le gouvernement fédéral, notamment Medicaid et Tricare.
Kristen Chapman, la mère de l’une des plaignantes dans cette affaire, rapporte que sa famille a déménagé du Tennessee à Richmond, en Virginie, en 2023, en raison de l’interdiction des soins d’affirmation du genre dans leur Etat d’origine. Sa fille de 17 ans, Willow, avait un premier rendez-vous prévu la semaine dernière avec un nouveau soignant qui accepte Medicaid. Mais Donald Trump a signé son décret la veille et l’hôpital a déclaré qu’il ne pouvait pas lui fournir de soins.
« J’ai le cœur brisé et jai peur »
« Je pensais que la Virginie serait un endroit sûr pour moi et ma fille », déplore Kristen Chapman dans un communiqué. « Au lieu de cela, j’ai le cœur brisé, je suis fatiguée et j’ai peur. » L’association de défense des libertés civiles ACLU (« American Civil Liberties Union ») et Lambda Legal, une association d’avocats bénévoles défendant les personnes LGBTQ +, qui représentent les plaignants, demandent qu’un juge suspende le décret. Dans un document déposé au tribunal mardi, elles déclarent que les décrets de M. Trump sont « illégaux et inconstitutionnels » parce qu’ils cherchent à retenir des fonds fédéraux déjà autorisés par le Congrès. La contestation porte également sur le fait que la loi porte atteinte aux droits des parents.
A l’instar d’autres contestations juridiques de l’interdiction des soins d’affirmation de genre, ces associations affirment également que cette décision est discriminatoire car elle n’interdit pas l’usage de fonds fédéraux pour ces mêmes traitements lorsqu’ils ne sont pas utilisés pour des transitions de genre – comme par exemple dans le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK).
Certaines mutuelles ont immédiatement cessé d’offrir ces remboursements, le temps d’évaluer l’impact du décret. La procureure générale de l’Etat de New York, Letitia James, qui s’est battue à plusieurs reprises contre M. Trump devant les tribunaux, a déclaré lundi aux hôpitaux de son Etat qu’il serait contraire à la loi de cesser d’offrir aux personnes de moins de 19 ans des soins d’affirmation de genre.
Des centaines de personnes ont également manifesté lundi à New York contre ce décret de mettant fin aux aides publiques pour les traitements de transition de genre des mineurs, après des informations sur des rendez-vous médicaux annulés en conséquence du texte.
Changement brutal
L’approche de M. Trump sur les droits des personnes trans représente un changement brutal par rapport à l’administration Biden, qui cherchait à étendre la protection des droits civils aux concernés.
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L’un des décrets pris par le nouveau président américain va jusqu’à nier l’existence même des personnes transgenres, non-binaires et intersexes, affirmant que son administration ne va « reconnaître » l’existence que de « deux sexes ».
Alex Sheldon, directeur exécutif du GLMA, l’association de médecins à l’origine de cette action en justice, a rappelé qu’il existait des processus médicaux précis pour la prise en charge des mineurs transgenres. « Aujourd’hui, un programme politique extrême tente d’effacer cette expertise, mettant en danger les jeunes et leurs soignants », a déclaré le chercheur. « Nous sommes convaincus que la loi, la science et l’histoire sont de notre côté. »
« En empêchant les médecins de fournir ces soins ou en menaçant de retirer des enfants à leurs parents qui les soutiennent dans leur transition, ces projets de loi empêchent les jeunes transgenres, non binaires et d’autres genres d’accéder à des soins de santé médicalement nécessaires et sûrs, soutenus par des décennies de recherche et soutenus par toutes les grandes associations médicales représentant plus de 1,3 million de médecins américains », déplore de son côté Human Rights Campaign.
Outre le décret sur l’accès aux soins de santé, M. Trump a également signé des textes qui ouvrent la voie à l’interdiction de servir dans l’armée pour les personnes transgenres et établissent de nouvelles règles sur la manière dont les écoles peuvent enseigner la question du genre. Un autre décret projette également de transférer les femmes transgenres incarcérées dans des prisons pour hommes. Or, selon une étude californienne de 2021, 69 % des femmes trans détenues dans des prisons masculines déclaraient avoir été forcées à accomplir des actes sexuels contre leur gré et 58,5 % avoir été violemment agressées sexuellement. Ces différents décrets ont aussi fait l’objet de contestations devant la justice.
Avant même l’élection de Donald Trump, au moins 26 Etats ont déjà adopté des lois visant à restreindre ou à interdire les soins aux mineurs transgenres. La Cour suprême, à majorité conservatrice, a été appelée à se prononcer sur ces traitements médicaux qui font l’objet d’un très vif débat dans la société américaine. La haute juridiction est apparue divisée, mais semble encline à laisser les Etats les interdire.
Selon le Williams Institute, groupe de réflexion de l’Université de Californie, environ 1,3 million d’adultes (0,5 % de la population), et 300 000 13-17 ans (1,4 %), s’identifient comme transgenres aux Etats-Unis, mais seule une minorité entame un parcours de transition.
Des études soulignent que les jeunes transgenres sont davantage victimes de dépression et que leur taux de suicide est plus élevé que le reste de la population. Selon le Williams Institut, 81 % des adultes transgenres et/ou non-binaires vivant aux Etats-Unis ont déjà pensé au suicide, 42 % ont déjà tenté de se suicider et 56 % ont commis des actes d’automutilation au cours de leur vie.
« Le manque de reconnaissance et d’acceptation sociétale des identités de genre en dehors de la binarité de genre homme ou femme cisgenre [dont le genre correspond à celui qui leur a été assigné à la naissance] et l’augmentation des attaques à motivation politique contre les personnes transgenres augmentent la stigmatisation et les préjugés ainsi que l’exposition au stress des minorités, expliquait l’auteur de l’étude, le chercheur Ilan H. Meyer, ce qui contribue aux taux élevés de consommation de substances et de suicide que nous observons chez les personnes transgenres. » Au contraire, l’accès rapide aux soins, la prévention des discriminations et du harcèlement, et les politiques de lutte contre la tranphobie, notamment à l’école, sont des facteurs-clés de protection contre les idées suicidaires chez les personnes concernées.