Ce jeudi 17 avril marque le bicentenaire de la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti par la France.
Emmanuel Macron devrait annoncer à cette occasion l’amorce d’un « travail historique en profondeur » sur la question de la « double dette » haïtienne.
L’Élysée fait référence à une énorme indemnité payée par Haïti à Paris pendant des décennies.
Reconnaître « la force injuste de l’Histoire qui a frappé Haïti dès sa naissance« . Emmanuel Macron devrait annoncer jeudi 17 avril le lancement d’un « travail historique en profondeur » sur la question de la « double dette » haïtienne, a indiqué l’Élysée ce mercredi à des journalistes. L’objectif ? Comprendre les conséquences « sur le développement d’Haïti » de cette indemnité payée par Port-aux-Princes à Paris pendant plus d’un siècle. Le détail de cette initiative mémorielle sera précisé par le président de la République à l’occasion du bicentenaire de la reconnaissance d’Haïti par la France.
Un endettement colossal lié à la France
Pour comprendre l’origine de cette démarche française, il faut remonter plus de 200 ans en arrière, aux fondements de la nation haïtienne. En novembre 1803, « l’Armée indigène », composée d’esclaves révoltés, remporte sur l’île la bataille de Vertières face aux troupes napoléoniennes présentes dans l’archipel. Cette victoire pousse à la capitulation les Français, puis conduit à la déclaration d’indépendance d’Haïti quelques semaines plus tard, le 1er janvier 1804.
21 ans plus tard, en 1825, le statut à peine acquis de la jeune nation est à nouveau menacé : la flotte française présente ses canons aux abords des côtes haïtiennes. Un accord est alors conclu entre les deux gouvernements pour éviter une nouvelle guerre. En échange de la reconnaissance d’Haïti par la France, le pays des Caraïbes doit s’acquitter d’une énorme indemnité envers Paris, estimée à 150 millions de francs-or. La somme, destinée aux anciens propriétaires de terres et d’esclaves, est finalement ramenée à 90 millions d’euros en 1838. Pour rembourser ce montant, Haïti s’endette beaucoup auprès de banques… françaises. Outre l’argent à verser aux autorités hexagonales dans le cadre de ce compromis, la nation doit aussi s’acquitter d’intérêts faramineux auprès de ses créanciers. Les derniers paiements liés à cette situation s’échelonneront ainsi jusqu’en 1952. La Fondation pour la mémoire de l’esclavage (FME) estime que cet engrenage a entraîné Haïti « dans une spirale de dépendance néocoloniale dont le pays ne parviendra jamais à s’extraire« .
Vers une « restitution » française ?
Cet épisode de l’Histoire, méconnu en France, devrait donc être au cœur des annonces d’Emmanuel Macron ce jeudi. « Tout cela a évidemment pesé sur le destin de la jeune nation haïtienne » et « a imprégné profondément l’histoire d’Haïti« , a justifié l’Élysée avant la déclaration du chef de l’État. Une « restitution » envers Haïti, même symbolique, est-elle à attendre de la part du pouvoir français ? Le flou demeure sur ce point. Leslie Voltaire, l’ex-président par intérim du Conseil présidentiel de transition de l’île, avait indiqué qu’un tel projet lui avait été évoqué par Emmanuel Macron lors d’une rencontre à l’Élysée en janvier dernier. Une information jamais confirmée par la présidence française.
« Le but de ce travail sera d’arriver à tirer un certain nombre de conclusions qui seront historiquement incontestables, de façon à voir comment la France, pratiquement, peut aller au bout du chemin de reconnaissance dans lequel elle s’engage« , a simplement précisé l’entourage d’Emmanuel Macron ce mercredi. Le président de la République a déjà lancé plusieurs processus mémoriels depuis son arrivée à l’Élysée, en 2017. Plusieurs commissions, composées de spécialistes et de chercheurs, ont en effet travaillé longuement sur la guerre d’Algérie, sur la colonisation de la France au Cameroun ou encore sur le génocide au Rwanda.
Cette initiative sur la dette haïtienne intervient alors que le pays des Caraïbes est actuellement en proie à une triple sécuritaire, politique et humanitaire. Les gangs contrôlent la grande majorité de la capitale Port-aux-Princes, ainsi que de nombreux axes routiers. De nombreuses exactions y sont menées par ces bandes armées, qui sèment la terreur parmi la population. Selon l’ONU, au moins 1518 personnes ont été tuées au cours des trois premiers mois de l’année.