Sur le papier, la mesure semble faire consensus. La mise en place du mode de scrutin proportionnel aux élections législatives est présente dans le « contrat de législature » présenté par le Nouveau Front populaire (NFP) lors des législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. Condition du ralliement de François Bayrou à Emmanuel Macron lors de la présidentielle de 2017, la mesure était encore dans le programme du « président candidat » en 2022. De même pour le Rassemblement national (RN).
En 2012, lors de sa campagne victorieuse pour l’Elysée, François Hollande avait déjà promis de changer la manière dont les députés sont élus. Il n’aura pourtant échappé à personne que les dernières élections législatives se sont déroulées au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours par circonscription, comme seize des dix-sept scrutins législatifs sous la Ve République.
Sans soulever les foules, le débat sur le changement de mode de scrutin n’est pas nouveau dans le paysage politique français, où il fait figure de serpent de mer. Il revient en force à la faveur de la crise politique que traverse le pays − plus de sept semaines après les législatives, il n’y a toujours pas de nouveau gouvernement ni de premier ministre – et surtout, alors que l’actuel mode de scrutin semble avoir perdu de sa superbe.
Alors que ses partisans vantent sa capacité à dégager des majorités stables, les deux dernières élections législatives ont accouché d’une Assemblée nationale fracturée en trois blocs principaux, où aucune majorité ne se dégage. Connu pour être un barrage efficace à la montée de l’extrême droite, il a pourtant bien failli lui offrir une majorité absolue, le 7 juillet.
En face, les soutiens à la proportionnelle défendent de longue date un système jugé plus juste, qui ne favorise pas que les deux plus gros partis, mais permet une représentation davantage plurielle et moins déformée du vote. Bref, qui donne une place plus conforme au poids relatif de chaque sensibilité.
« Fragmentation politique »
Selon eux, ce mode de scrutin permettrait aussi de libérer les partis des alliances préélectorales pour avoir une chance d’accéder au second tour. « La règle du scrutin majoritaire, c’est s’unir ou périr, affirme Thierry Pech, directeur général de Terra Nova, un groupe de réflexion qui a produit plusieurs notes sur le sujet. On voit bien la déformation de l’offre politique et les efforts faits par les uns et les autres pour se rassembler. »
Efforts auxquels doivent consentir les électeurs, souvent davantage amenés à « voter utile » au premier tour, puis à faire barrage au second, qu’à se prononcer par conviction. « Souhaite-t-on vraiment un moyen d’expression démocratique qui incite fortement les votants à ne pas être sincères ? », s’interrogent Antoine Rolland et Jean-Baptiste Aubin, maîtres de conférences en statistique, dans une tribune publiée en juin par Le Nouvel Obs.
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