Négociations sur les droits de douane ou pas, la législation européenne sur les géants du numérique continue de s’appliquer. Le message que vient d’adresser la Commission européenne à Donald Trump est clair. L’exécutif bruxellois a annoncé, mercredi 23 avril, des sanctions financières contre Apple et Meta (Facebook, Instagram). Les deux groupes sont accusés d’avoir enfreint le nouveau règlement sur les marchés numériques, le Digital Market Act (DMA), adopté en 2022. Celui-ci vise notamment à faciliter la concurrence des petites entreprises face aux grands groupes de technologie.
La Commission européenne reproche à Apple d’empêcher les développeurs d’applications d’informer les utilisateurs sur des moyens alternatifs et moins coûteux d’acheter des produits numériques en dehors de l’App Store, le magasin d’applications du fabricant de l’iPhone. Meta, lui, est sanctionné pour avoir mis en place un système litigieux de consentement au partage de données personnelles à des fins de profilage publicitaire. La Commission européenne inflige ainsi ses premières amendes dans le cadre du DMA, d’un montant de 500 millions d’euros pour Apple et de 200 millions d’euros pour Meta.
Cette décision prend un relief particulier en pleines négociations sur les droits de douane que les Etats-Unis menacent d’appliquer sur les exportations européennes. Donald Trump les conçoit comme des mesures de rétorsion aux barrières tarifaires européennes, mais aussi à tous les dispositifs qui renchérissent le coût des exportations américaines, comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les normes, mais aussi les législations sur le numérique, qualifiées par M. Trump d’« extorsion ».
Procès en cours aux Etats-Unis
Le rapport de force transatlantique ne fait que débuter. Il est évidemment hors de question pour l’Union européenne (UE) de se ranger aux arguments de l’administration américaine en se laissant dicter sa législation en fonction des intérêts commerciaux des Etats-Unis. Le DMA et le règlement sur les services numériques (DSA), qui vise à lutter contre les dérives (haine, désinformation, contrefaçons) des contenus en ligne diffusés par les géants de l’Internet, ne sont pas des outils de protectionnisme commercial, mais des instruments de régulation.
Ils visent à protéger les droits et les libertés des citoyens européens et à faire respecter la libre concurrence. Celle-ci est constamment bafouée, dans un secteur où une poignée d’acteurs sont en situation de quasi-monopole, et profitent de chaque avancée technologique pour étendre leur pouvoir de marché.
La meilleure preuve qu’il est indispensable de réguler l’activité des géants de l’Internet est qu’ils sont également poursuivis aux Etats-Unis par la justice antitrust. Deux procès sont en cours concernant Meta et Google, accusés d’avoir développé des stratégies anticoncurrentielles. Encadrer les géants de l’Internet n’est donc en rien une lubie des Européens pour protéger un marché qui leur échappe, mais une nécessité afin de limiter une puissance de plus en plus problématique.
L’UE doit rester ferme dans sa volonté en dépit des menaces commerciales brandies par Donald Trump. En infligeant des amendes modérées compte tenu des sanctions encourues, la Commission a choisi une approche proportionnée, tout en montrant qu’elle a les moyens d’imposer ses règles sur un marché dont ces entreprises peuvent difficilement se passer. Face à l’imprévisibilité de Donald Trump et à ses changements de pied intempestifs, la cohérence reste la meilleure réponse.