Que peut faire un gouvernement qui a démissionné sans avoir encore été remplacé ? Le rapport adopté mercredi 11 décembre par la commission des lois de l’Assemblée nationale ne pouvait tomber plus à pic.
Après l’épisode inédit du gouvernement de Gabriel Attal, resté en fonctions durant soixante-sept jours à la suite de sa démission, les députés Léa Balage El Mariky (Les Ecologistes, Paris) et Stéphane Mazars (Renaissance, Aveyron) ont voulu y voir plus clair sur les mesures prises par un gouvernement censé « expédier les affaires courantes ». Les conclusions des deux rapporteurs de la mission flash sont rendues alors même que la France se retrouve de nouveau dans cette configuration : Michel Barnier et son équipe, démissionnaires depuis le vote de la motion de censure, le 4 décembre, restent en poste en attendant la nomination d’un nouvel exécutif. Ils s’apprêtent même à faire voter une « loi spéciale » cruciale, pour que l’Etat continue à percevoir les impôts. Tout sauf une « affaire courante » au sens habituel de l’expression.
« Ce type de situation a des chances de se reproduire, analyse Léa Balage El Mariky. Dans la configuration actuelle de l’Assemblée, sans aucune majorité, construire une coalition prend nécessairement du temps. Et cela sera sans doute encore plus le cas si le mode de scrutin est modifié, avec un passage à la proportionnelle. »
« Re-parlementariser notre régime politique »
La longue séquence de l’été pourrait ainsi constituer un avant-goût d’autres périodes flottantes, comme en ont connu divers pays européens. Elles ont déjà duré 88 jours en Italie (2018), 134 jours en Suède (2018-2019), 315 jours en Espagne (2015-2016), 360 jours aux Pays-Bas (2023-2024), le record absolu restant détenu par la Belgique. En 2010-2011, le royaume a vécu 541 jours sans exécutif de plein exercice !
Dans ces conditions, il importe selon les deux députés de clarifier les règles du jeu et sans doute de les revoir un peu. Objectif : ne pas laisser trop de pouvoir à un gouvernement qui n’a plus de légitimité, donc modifier l’équilibre au profit des députés et des sénateurs. « Le risque de multiplication de périodes d’affaires courantes plaide pour un renforcement du rôle du Parlement », estiment les deux rapporteurs. « Notre travail peut constituer une première brique pour re-parlementariser notre régime politique », ajoute Léa Balage El Mariky.
Vivre sans gouvernement de plein exercice n’est pas un drame, constatent les deux députés. L’expérience de la transition entre Gabriel Attal et Michel Barnier le montre. Depuis la seconde guerre mondiale, aucun gouvernement n’avait tenu aussi longtemps après sa démission. Le pays ne s’est pas arrêté pour autant. Ni le gouvernement, même si le rythme de son activité s’est beaucoup ralenti. Durant cette période, 340 décrets et 1 650 arrêtés ont été publiés au Journal officiel, soit moitié moins qu’un an plus tôt. Il a aussi préparé un budget pour 2025.
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