Le jury du 78ᵉ Festival de Cannes dévoilera son palmarès ce samedi en début de soirée.
Qui remportera la Palme d’or, un an après « Anora » de l’Américain Sean Baker ?
Dans chaque catégorie, notre envoyé spécial sur la Croisette vous livre son choix et son outsider.
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Festival de Cannes 2025 : des films, des stars et de l’engagement
Cette fois, c’est presque terminé ! Après onze jours de compétition, le jury du 78ᵉ Festival de Cannes va rendre son verdict. Studieux, la présidente Juliette Binoche et les talents qui l’entourent n’ont rien laissé transparaître de leurs coups de cœur et de leurs éventuels désaccords durant leur séjour. Quoi qu’il arrive, ils devront accoucher d’une Palme d’or et de tout un palmarès ce samedi 24 mai au matin, dans une villa sur les hauteurs, avant de le dévoiler en direct sur la scène du Palais des Festivals lors de la cérémonie de clôture, animée en début de soirée par Laurent Lafitte. Notre envoyé spécial sur la Croisette a déjà fait le sien… et vous livre son choix et son outsider dans chaque catégorie.
Prix du jury
Notre choix ? On vote La Petite Dernière de Hafsia Herzi. Pour adapter le roman coup de poing de Fatima Daas sur une jeune fille de banlieue tiraillée entre la découverte de son homosexualité et sa foi musulmane, la réalisatrice et comédienne a opté pour une approche paradoxalement plus douce et sensuelle, les gestes et les regards en disant souvent plus que les mots.
Notre outsider ? Dans cette catégorie qui récompense souvent des films singuliers, à défaut de faire l’unanimité, on ne serait pas surpris de retrouver Sirat, la cavale métaphysique de l’Espagnol Oliver Laxe dans le désert du Maroc où un père joué par Sergi Lopez cherche sa fille dans le sillage d’une bande de teufeurs de l’apocalypse.
Prix du scénario
Notre choix ? On vote Woman and Child de Saeed Roustaee. Après le polar avec La loi de Téhéran et le drame familial avec Leïla et ses frères, l’espoir montant du cinéma iranien s’essaie au mélo avec ce film qui met en scène une veuve qui tente de refaire sa vie avec un beau parleur jusqu’au jour où un drame terrible fait basculer le récit dans des contrées bien plus sombres. Dès lors, chaque scène place son héroïne devant un choix cruel, sinon vital, qui torture le spectateur jusqu’au dénouement qui frappe en plein cœur.

Notre outsider ? On miserait bien sur le délicat Renoir de la Japonaise Chie Hayakawa. L’histoire d’une fillette de 11 ans qui se réfugie dans son imaginaire pour affronter la mort imminente de son père et l’absence de sa mère. C’est à la fois mélancolique et lumineux, sur le fil ténu entre la chronique adolescente et le drame plus adulte, à l’image de son héroïne, contrainte de grandir bien trop vite.
Prix de la mise en scène
Notre choix ? On vote Nouvelle Vague de Richard Linklater. Le nouveau film du cinéaste américain de Before Sunrise et du récent Hitman nous embarque en 1959 à Paris où Jean-Luc Godard s’apprête à réaliser À bout de souffle, son premier film. Tournée dans un noir et blanc vintage, sur un rythme haletant, avec de jeunes comédiens irrésistible, cet hommage à une période bénie des cinéphiles est aussi crédible que réjouissante. Un vrai tour de passe-passe.

Notre outsider ? On ne serait pas surpris de voir triompher Sergueï Loznitsa dans cette catégorie avec Deux Procureurs. Dans le premier film ukrainien en compétition à Cannes depuis l’invasion russe, ce méticuleux réalisateur de fiction et de documentaire organise chaque séquence avec calme et précision pour construire ce réquisitoire implacable contre l’horreur des purges staliniennes.
Prix d’interprétation féminine
Notre choix ? On vote Jennifer Lawrence dans Die, My Love. Depuis quand n’avions-nous pas vu une star hollywoodienne de premier plan s’abandonner à ce point à un personnage, aussi bien physiquement qu’émotionnellement ? L’ex-star de la saga Hunger Games livre la performance la plus intense de sa carrière en jeune mère atteinte de dépression post-partum. Grâce à elle, la mise en scène baroque et bruyante de l’Écossaise Lynne Ramsay en deviendrait presque digeste.

Notre outsider ? Attention à l’Iranienne Parinaz Izadyar. Dans le mélo Woman and Child de son compatriote Saeed Roustayi, elle incarne une mère célibataire qui tente de refaire sa vie avec lorsqu’un drame terrible la fait basculer en plein cauchemar. Un personnage complexe, rempli de contradictions, qu’elle incarne avec une grande subtilité de bout en bout.
Prix d’interprétation masculine
Notre choix ? On vote Stellan Skarsgård dans Valeur Sentimentale. Géant du cinéma scandinave, qui débuta au théâtre sous la direction d’Ingmar Bergman, il est devenu ces dernières années un second rôle de luxe dans les blockbusters hollywoodiens. Dans le nouveau film de Joachim Trier, il incarne un metteur en scène égocentrique, aussi insupportable qu’attachant, qui tente de renouer avec ses filles après la mort de leur mère.

Notre outsider ? Il y a du beau monde dans cette catégorie, mais on mettrait bien un petit billet sur Fares Fares, l’acteur fétiche de Tarik Saleh qui lui fait jouer la plus grande star du cinéma égyptien dans Les Aigles de la République. Un personnage de séducteur invétéré et de père absent emporté dans une terrible machination lorsqu’il est contraint d’accepter de jouer le président al-Sissi dans un biopic à sa gloire. Un grand clown triste comme on les aime.
Grand prix du jury
Notre choix ? On vote Dossier 137 de Dominik Moll. Après La Nuit du 12, le réalisateur français utilise une nouvelle fois le prisme de l’enquête policière, cette fois autour d’une bavure commise à l’encontre d’un jeune Gilets Jaunes, afin de mettre en lumière les dysfonctionnements de la société française. Du cinéma intelligent qui captive autant qu’il fait réfléchir.

Notre outsider ? Attention à Sound of Falling de l’Allemande Mascha Schilinski. Le premier film de la compétition avait plombé l’ambiance avec sa glaçante description de la condition des femmes à travers le siècle dernier, à travers les habitantes d’une ferme d’Allemagne de l’Est. Mais rétrospectivement, c’est une œuvre audacieuse et singulière dont on se souvient, malgré ses partis pris de mise en scène parfois agaçants.
Palme d’or
Notre choix ? On vote Un simple accident de Jafar Panahi. Avant de parler de Palme politique, de symbole et tout le tralala, c’est surtout le film le plus maîtrisé de toute la compétition. Un thriller psychologique implacable, ponctué d’humour noir, et qui lève un coin de voile, sans mauvais jeu de mots, sur les horreurs que subissent celles et ceux qui refusent de se soumettre aux normes du régime islamique. Écrit et dialogué au millimètre, bien joué et superbement filmé, il pourrait presque candidater dans toutes les catégories.

Notre outsider ? Une compilation de l’ensemble des tableaux de notes de la presse internationale place L’Agent Secret du Brésilien Kleber Mendonça Filho en tête devant Sirat de l’Espagnol Oliver Laxe et Un Simple Accident de Jafar Panahi. Mais dans la dernière ligne droite, rien ne dit que Luc et Jean-Pierre Dardenne ne vont pas entrer dans la légende en remportant leur troisième Palme avec Jeunes Mères. En plongeant dans l’univers des maisons maternelles, les frères belges signent l’un des films les plus émouvants et actuels de leur carrière, avec toujours cette mise en scène d’un réalisme brut sans pareil.