Aura-t-il vraiment lieu ? La toute première fois que Le Monde écrit « Festival de Cannes », le 22 avril 1946, sous la plume de Jean Néry, la naissance même de l’événement n’est pas encore assurée. Dans l’une de ses chroniques, le journaliste et futur président de l’Association française de la critique de cinéma et de télévision s’émeut d’assister au cinquantenaire de l’invention du cinéma à… Prague. « Les Français, ministre en tête, n’étaient là-bas que des invités », écrit-il, regrettant que ni Paris ni la Côte d’Azur, où s’est retiré le père fondateur du 7e art Louis Lumière, n’aient pris l’initiative d’une telle célébration.
Sévère, le journaliste déplore « les intrigues qui se nouent déjà autour d’un projet de création d’un nouveau centre cinématographique sur la côte méditerranéenne » et l’idée, enterrée en 1939, d’un festival international du cinéma qui aurait lieu chaque année à Cannes. « Dès la Libération, l’idée fut reprise. Le projet, cette fois, prenait un intérêt accru du fait de la disparition de la Biennale de Venise, morte, semblait-il, avec le fascisme », rappelle le quotidien, qui annonce que la date prévue de la première édition de ce festival, en septembre 1946, est compromise : « Cannes est à la recherche de… six millions. Le prestige de la France et son intérêt le plus immédiat ne méritent-ils pas d’y consacrer la cent millième partie de son budget ? (…) A défaut de quoi, nous nous exposons à d’autres Prague et à de nouveaux Venise. »
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