Si une énigme demeure, elle réside dans l’inextinguible fascination qu’exerce ce quadripède brunâtre dérobé voilà près d’un siècle dans le sanctuaire d’une société d’initiation d’un petit village de l’ex-Soudan français – aujourd’hui le Mali – par les pionniers de l’ethnologie française lors de la mission Dakar-Djibouti qui, de mai 1931 à janvier 1933, parcourut quatorze pays et rapporta dans son sillage quelque 3 600 objets.
Les conditions dans lesquelles le chef de mission, Marcel Griaule, s’empara du fétiche (« boli », en bambara) de Diabougou sont en effet connues depuis que Michel Leiris, secrétaire-archiviste de l’expédition, en a fait le récit dans L’Afrique fantôme, son journal publié en 1934, dont le ton acerbe et désabusé lui valut une brouille avec son patron.
« Avant de quitter Diabougou, visite du village et enlèvement d’un deuxième kono [objet sacré contenu dans le sanctuaire de la société initiatique éponyme] que Griaule a repéré en s’introduisant subrepticement dans la case réservée, consigne-t-il à la date du 7 septembre 1931. Cette fois, c’est [Eric] Lutten [le photographe de la mission] et moi qui nous chargeons de l’opération. Mon cœur bat très fort car, depuis le scandale d’hier, je perçois avec plus d’acuité l’énormité de ce que nous commettons.
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