Les Français Cécile Kohler et Jacques Paris, accusés d’« espionnage » par l’Iran, franchissent mercredi 7 mai le cap des trois ans de détention, considérés comme des « otages d’Etat » par Paris. Ils sont officiellement les deux derniers Français emprisonnés en Iran, qui détient plusieurs autres Européens.
Cette professeure de lettres de 40 ans, originaire de l’est de la France, et son compagnon septuagénaire ont été arrêtés le 7 mai 2022, au dernier jour d’un voyage touristique en Iran. Ils sont incarcérés dans la sinistre section 209, réservée aux prisonniers politiques, de la prison d’Evin, à Téhéran.
Ce dossier reste « une priorité absolue » de la France, a assuré le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, qui a promis de ne ménager « aucun effort pour obtenir la libération de Cécile Kohler et Jacques Paris. En ajoutant, qu’« ils ont été arrêtés sans fondement », dans une vidéo postée sur X. Le président de la République, Emmanuel Macron a lui aussi garanti que la France « agit sans relâche pour obtenir [la] libération » des deux otages francais. « J’assure leurs familles de notre soutien indéfectible », a-t-il poursuivi dans un message posté sur X.
« Aveux forcés »
« C’est très, très dur. On est fatigués, on ne se serait jamais imaginé que ça pourrait durer aussi longtemps », dit à l’Agence France-Presse (AFP) Noémie Kohler, la sœur de Cécile, à la veille de la date anniversaire, à l’occasion de laquelle seront organisés une quarantaine de rassemblements de solidarité dans toute la France. « Cécile et Jacques sont de plus en plus désespérés et y croient de moins en moins », explique la jeune femme, qui alerte sans relâche sur le sort des prisonniers et leurs conditions d’incarcération « absolument destructrices ».
Mardi soir, les proches de Cécile Kohler et d’anciens détenus français en Iran, Benjamin Brière, Bernard Phelan et Olivier Grondeau, ont organisé un rassemblement devant l’ambassade d’Iran à Paris pour réclamer la libération des deux détenus.
Contraints à des « aveux forcés » diffusés par la télévision d’Etat iranienne quelques mois après leur arrestation, n’ayant eu que quatre visites consulaires en trois ans, les deux Français sont soumis, selon la diplomatie française, à des dispositions « assimilables en droit international à de la torture ». Lumière allumée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trente minutes de sortie deux ou trois fois par semaine, rares et courts appels sous haute surveillance à leurs proches, le dernier date du 14 avril. Les familles décrivent des conditions d’incarcération corroborées par les témoignages d’anciens détenus français en Iran.
Ils sont également soumis à une pression psychologique intense. « Cela fait plusieurs mois qu’on leur dit qu’un verdict est imminent, qu’il sera extrêmement sévère, on leur annonce à chaque fois des échéances et il ne se passe jamais rien », rapporte Noémie Kohler.
« Diplomatie des otages »
Entre 2023 et 2025 au moins cinq Français ont été libérés, après plusieurs mois, voire plusieurs années, de détention, mais Cécile Kohler et Jacques Paris ont désormais vécu trois années complètes en prison, dont trois mois à l’isolement total.
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Aucune explication n’a jamais été officiellement livrée sur les conditions de libération des autres prisonniers qui, assurent les autorités françaises, n’ont donné lieu à aucune contrepartie. Paris et les autres chancelleries européennes dont des ressortissants sont détenus en Iran accusent Téhéran de pratiquer la « diplomatie des otages », pour obtenir l’élargissement de certains de ses propres ressortissants ou pour peser dans les très sensibles discussions sur le nucléaire iranien, dans l’impasse depuis des années, et obtenir une levée des sanctions.
Les relations entre la France et l’Iran se sont encore tendues ces dernières semaines avec les menaces de Paris d’imposer de nouvelles sanctions à Téhéran, l’arrestation en France à la fin de février d’une Iranienne, Mahdieh Esfandiari, pour apologie du terrorisme, et le jugement prochain d’un influenceur franco-iranien pour le même chef.
La France est également en passe de déposer une plainte devant la Cour internationale de justice (CIJ) « pour violation du droit à la protection consulaire » à laquelle ses deux ressortissants emprisonnés devraient avoir droit ; une décision saluée comme un « tournant majeur » par les familles, mais sans effet à court terme. « Malheureusement, il n’y a pas vraiment de signaux d’espoir », reconnaît Noémie Kohler. « Notre seul levier, c’est la mobilisation, faire un maximum de bruit en espérant que cela arrivera en Iran. »
La jeune femme est en contact avec les anciens « otages » français. « Il y a une grande solidarité, cela nous aide énormément car cela nous permet d’avoir une fenêtre ouverte sur ce qui se passe là-bas, et aussi des clés de compréhension pour préparer le retour », relate Mme Kohler. Elle est également en contact avec les familles de certains autres prisonniers européens, dont la femme d’Ahmadreza Djalali, un universitaire irano-suédois, condamné à mort et détenu à Téhéran depuis maintenant neuf ans.