Le Premier ministre vit une semaine difficile, malmené par son propre gouvernement et confronté à l’échec du conclave sur les retraites.
« Nous avons sanctuarisé le budget, nous n’avons pas sanctuarisé la place de François Bayrou », tonne le Premier secrétaire du PS Olivier Faure, quand le RN estime « qu’on se rapproche plus d’une censure qu’on s’en éloigne ».
La moitié des Français souhaitent même que le chef du gouvernement soit censuré sur les retraites.
Les jours de François Bayrou à la tête du gouvernement sont-ils de nouveau comptés ? En tout cas, les menaces de censure visant le Premier ministre sont de retour. Ces derniers jours, le chef du gouvernement s’est trouvé en difficulté dans son camp. Certains de ses ministres menacent de démissionner, et il a dû en convoquer plusieurs mardi pour les appeler à la « solidarité » et leur demander d’accorder leurs violons au cours d’une réunion tumultueuse où le ton est monté. Désormais, c’est l’opposition qui s’y met et relance ses menaces de censure.
La raison ? Le conclave sur les retraites qui ne tient plus qu’à un fil. Mercredi soir la CGT a claqué la porte, l’U2P et Force ouvrière l’avaient précédée. Ce sont des déclarations de François Bayrou lui-même qui ont mis le feu aux poudres. Le Premier ministre a estimé que revenir sur l’âge légal de départ à la retraite pour le ramener à 62 ans n’était pas une bonne idée. « Le Premier ministre et le patronat ont malheureusement définitivement enterré ce conclave. Et c’est très grave parce que le Premier ministre s’était engagé à ce que ces discussions soient ‘sans totem, ni tabou’« , a justifié la patronne de la CGT Sophie Binet ce jeudi sur France 2.
Nous avons sanctuarisé le budget, pas la place de François Bayrou
Nous avons sanctuarisé le budget, pas la place de François Bayrou
Olivier Faure, patron du PS
François Bayrou avait acté l’organisation de ce conclave pour donner des gages aux socialistes au moment de son installation à Matignon. C’est notamment ça qui avait convaincu les députés socialistes de ne pas voter la censure du gouvernement après l’adoption du budget par 49.3. Mais le Premier ministre « commet une erreur » s’il pense que les socialistes ne peuvent plus le censurer, a prévenu mardi le premier secrétaire du parti Olivier Faure. « Nous avons sanctuarisé le budget, nous n’avons pas sanctuarisé la place de François Bayrou », a-t-il ajouté. « Nous pouvons très bien censurer le gouvernement s’il n’honorait pas son engagement d’aller jusqu’au bout, s’il donnait le sentiment que, parce qu’il n’y a pas d’accord, on en reste à la réforme Borne, sans donner la parole au Parlement », a-t-il ajouté sur BFMTV.
De nombreux Insoumis ou ex-Insoumis brandissent également la menace, inquiets de ne pas voir respectée la promesse de soumettre au Parlement une révision de la réforme des retraites. « Fin de la mascarade. La censure redevient d’actualité non ? », se demande le président de la commission des Finances Eric Coquerel sur X. « C’est à l’Assemblée de décider, pas à M. Bayrou. Un vote sur l’abrogation de la retraite Macron aura lieu dans l’hémicycle ce printemps. Ou ce sera la censure du gouvernement », a estimé François Ruffin, aujourd’hui membre du groupe écologiste à l’Assemblée. « Aujourd’hui, j’estime que les conditions de vote d’une motion de censure sont réunies. Nous sommes dans un contexte de crise politique, qu’aggrave la politique menée par le gouvernement actuel », a déclaré Alexis Corbière sur LCI.
Selon les informations de l’AFP, les députés LFI ont contacté les groupes écologiste et communiste pour proposer une motion de censure spontanée contre François Bayrou. Une prise de contact que n’avaient confirmé ni les parlementaires écologistes ni les communistes mercredi soir.
Le RN « énervé »
Mais sans le soutien des socialistes, et en l’absence de majorité, François Bayrou risque de se retrouver à la merci du Rassemblement national, qui lui aussi menace de censurer le gouvernement. « Si on continue à ne pas vouloir toucher à la retraite, qu’on piétine dans les négociations avec l’Algérie, qu’il n’y a pas de mesures fortes prises sur le pouvoir d’achat, il commencera à y avoir un faisceau d’indices qui nous indique qu’il faut censurer », a assuré le porte-parole du parti Laurent Jacobelli mercredi soir sur Europe 1. « Je crois qu’on s’en rapproche plus qu’on s’en éloigne. » « Nous verrons si nous votons une motion de censure si cela va dans l’intérêt des Français. Si nous héritons ensuite d’un Bayrou bis ou Bayrou fils, la censure n’aura pas d’intérêt », a toutefois nuancé Sébastien Chenu, vice-président du RN.
Dans un article du Figaro publié le 19 mars, Marine Le Pen évoque également un autre sujet qui la « fâche » : la politique énergétique du gouvernement. « Bayrou, il commence à m’énerver. S’ils mettent en œuvre ce plan de 37 milliards d’euros de RTE (le gestionnaire de réseau d’électricité français, ndlr) pour raccorder les éoliennes en mer par décret, sans passer par le vote, je vais me fâcher ! », prévient-elle.
Les envies de censure de la classe politique sont également de plus en plus partagées par des Français. Selon un sondage Elabe pour BFMTV publié mercredi, 50% des personnes sondées souhaitent que, dans les prochaines semaines, une motion de censure soit adoptée contre le gouvernement de François Bayrou sur le sujet des retraites. Une hausse de neuf points par rapport à janvier.