François Bayrou a maintenu devant les députés, mardi 28 janvier, l’idée d’une « submersion » migratoire à Mayotte et dans plusieurs autres départements français, réfutant toute « connivence avec personne » en réponse au chef de file des députés PS, Boris Vallaud, qui l’accusait d’avoir « emprunté [ce vocabulaire] à l’extrême droite ». « Quiconque est confronté à la situation à Mayotte, et ce n’est pas le seul endroit de France, mesure que le mot de submersion est celui qui est le plus adapté. Parce que tout un pays, (…) toute une communauté de départements français est confrontée à des vagues d’immigration illégale telles qu’elles atteignent 25 % de la population », a affirmé le premier ministre lors de la séance des questions au gouvernement. « Ce ne sont pas les mots qui sont choquants, c’est les réalités », a-t-il ajouté.
Le chef du gouvernement avait évoqué la veille, dans un entretien sur LCI, qu’il y avait en France « un sentiment de submersion » migratoire. M. Bayrou avait également estimé « que les apports étrangers sont positifs pour un peuple, à condition qu’ils ne dépassent pas une proportion ». « Mais dès l’instant que vous avez le sentiment d’une submersion, de ne plus reconnaître votre pays, les modes de vie ou la culture, dès cet instant-là vous avez rejet », avait-il ajouté, en estimant que la France se « rapproch[ait] » de ce seuil.
« Si vous gouvernez avec les préjugés de l’extrême droite, nous finirons gouvernés par l’extrême droite, et vous en aurez été complice », a répondu M. Vallaud au premier ministre mardi, se disant « submergé par la consternation » de la réponse de M. Bayrou.
Plus tôt dans la journée, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a assuré sur BFM-TV et RMC qu’elle n’aurait « jamais tenu les propos » du chef du gouvernement. « Ces propos me gênent. On parle d’hommes et de femmes, on parle de notre pays, la France, qui, de par son histoire, de par sa géographie, de par sa culture, a toujours accueilli et s’est construite avec cette tradition-là », a-t-elle déclaré.
Des associations dénoncent un débat « saturé de stigmatisations »
Si elle appelle aussi à « réguler l’immigration » et à être « très ferme sur [les] valeurs [françaises], sur les conditions et [les] exigences d’intégration », Mme Braun-Pivet refuse d’utiliser les mots prononcés par M. Bayrou. « Je ne les utiliserai jamais parce que je crois que c’est contraire à ce que nous sommes profondément », a ajouté Mme Braun-Pivet, qui se veut garante des promesses originelles d’Emmanuel Macron. « Il faut regarder le sujet migratoire en face. Mais moi ce que je souhaiterais, c’est que l’on arrête de le regarder uniquement par le prisme du ministère de l’intérieur (…) c’est un sujet beaucoup plus large que cela », a-t-elle souligné.
Les associations engagées pour la défense des droits des migrants ont dénoncé un débat public « saturé de stigmatisations », un an après la promulgation de la loi Darmanin, en réaction à la nouvelle circulaire Retailleau et aux propos de M. Bayrou. « Depuis un an, les choses n’ont pas cessé de se dégrader », a déploré la secrétaire générale de la Cimade, Fanélie Carrey-Conte. « Le tout dans (…) un climat particulièrement nauséabond », a complété la militante. « Ne nous laissons pas enfermer dans un triptyque : “stigmatiser, enfermer, précariser”. »
« On a mis [dans la] tête du peuple que nous sommes le danger. Tous ceux [les sans-papiers] qui ont fait du bien dans le pays sont invisibilisés », s’est pour sa part ému Gollé Sylla, membre du collectif des sans-papiers de Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Pour Yaël Braun-Pivet, scinder en deux le texte sur la fin de vie est une « erreur »
Autre opposition entre la tenante du perchoir de l’Assemblée nationale et le locataire de Matignon : le projet de loi sur la fin de vie. M. Bayrou souhaite deux textes distincts − l’un sur les soins palliatifs, l’autre sur l’aide active à mourir −, ce que Mme Braun-Pivet qualifie d’« erreur », appelant à ne pas « tergiverser » sur cette question.
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« Il ne faut pas distinguer » deux textes « parce que c’est bien souvent les mêmes personnes », a-t-elle expliqué, « on ne peut pas savoir lorsqu’on sera peut-être confronté à cette situation très douloureuse ce que l’on souhaitera à ce moment-là ». « C’est un débat qu’il faut appréhender dans sa globalité », a-t-elle insisté. Signataire lundi d’une tribune de plus de 200 socialistes et macronistes, publiée dans Le Parisien, exhortant le premier ministre à ne pas scinder le texte, Mme Braun-Pivet a rappelé que « les Français se disent à longueur d’études extrêmement favorables à ce que l’on ouvre ce nouveau droit ».
Mais, lundi soir, M. Bayrou, qui est réticent à l’aide active à mourir, a répété qu’il souhaitait « deux textes » distincts. « Les soins palliatifs, pour moi ce n’est pas un droit, c’est un devoir », a déclaré le premier ministre, qualifiant l’aide à mourir de « débat de conscience ».
« Les personnes qui sont en fin de vie doivent pouvoir se voir proposer un accompagnement global [qui] comprendra évidemment la possibilité de faire des soins palliatifs, la possibilité d’avoir recours à une aide active à mourir », lui a répondu Mme Braun-Pivet. Scinder ce cadre revient à « diviser les gens et surtout les parcours », a-t-elle estimé, prônant « de la souplesse ».
Le projet de loi fin de vie était en cours d’examen à l’Assemblée nationale en juin 2024 et a été interrompu net par la dissolution. Le gouvernement n’entend pas le réinscrire au calendrier parlementaire avant l’adoption des budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale.