FRANCE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Depuis la parution en 1996 de la biographie signée Serge Toubiana et Antoine de Baecque, une part du mystère de François Truffaut s’est dissipée. Ceux et celles qui aimaient le cinéaste, mort le 21 octobre 1984 à 52 ans, ont alors pu mesurer la distance qui séparait les films de la vie, Antoine Doinel, le héros récurrent – des Quatre Cents Coups (1959) à L’Amour en fuite (1979) – de François Truffaut. L’ouvrage permettait aussi de tracer les liens qui unissaient les chemins parfois contradictoires de son cinéma – le spectacle populaire du Dernier Métro (1980) et les paroxysmes de douleur de L’Histoire d’Adèle H. (1975) ou de La Femme d’à côté (1981) ; l’optimisme presque militant de L’Enfant sauvage (1970) ou de L’Argent de poche (1976) ; la cruauté de La Sirène du Mississipi (1969).
C’est à un exercice voisin que convie le film de David Teboul, coécrit avec Serge Toubiana. S’appuyant à la fois sur les très riches archives du service public, qui, de François Chalais à France Roche, a fait de Truffaut le plus reconnaissable des cinéastes français et sur des fragments inédits – une ébauche d’autobiographie entreprise par le réalisateur avec son ami Claude de Givray dans les mois précédant sa mort, le film promet de mettre à jour la part d’ombre du réalisateur.
La première partie du film, qui revient longuement sur l’enfance profondément malheureuse de Truffaut, semble vouloir tenir ce serment. La lecture (par Louis Garrel et Pascal Greggory, le rôle de la récitante étant tenu par Isabelle Huppert) des échanges entre le cinéaste et Roland Truffaut, son père adoptif, donne une idée de la violence qu’a endurée cet enfant à qui tout était rationné – la nourriture, car il a grandi sous l’Occupation, et l’amour maternel.
La juxtaposition, par exemple, des images des Quatre Cents Coups, filmé dans la France du début des « trente glorieuses », émergeant à peine de la grisaille, et de celles du Dernier Métro, film romanesque situé dans un Paris sous domination allemande qui reste, pour Truffaut, le théâtre de son enfance, fait entrevoir les chemins cachés de l’autobiographie.
Rapport aux femmes
Le reste du film explore très prudemment le rapport du cinéaste aux femmes. La correspondance avec Helen Scott (1915-1987), qui participa, en tant que traductrice, à l’élaboration des Entretiens avec Alfred Hitchcock, révèle la fragilité de celui qui était vite devenu l’un des piliers du cinéma français, tournant avec une régularité qui lissait l’alternance des succès et des échecs publics.
Mais la relative brièveté du film ; la timidité des auteurs face à certains épisodes (les relations entre Truffaut et Isabelle Adjani sur le tournage d’Adèle H. pour n’en citer qu’un) ; l’inévitable omission de pans entiers de son parcours – ses implications dans la vie publique, entre autres, de ses sympathies juvéniles pour l’extrême droite à sa position de conscience du cinéma français, en passant par sa participation à l’annulation du Festival de Cannes en 1968 – donnent la sensation de voir une tapisserie se défaire.
Reste l’envie qui naîtra de (re) voir ces films. Une partie du cycle Doinel (Antoine et Colette, Baisers volés, Domicile conjugal et L’Amour en fuite) est disponible sur la plateforme d’Arte, avec La Sirène du Mississipi et Les Deux Anglaises et le continent (1971), pendant que France Télévisions propose Les Quatre Cents Coups, Le Dernier Métro, La Femme d’à côté, Vivement dimanche ! (1983) et Jules et Jim (1962).
François Truffaut, le scénario de ma vie, documentaire de David Teboul (Fr., 2024, 97 min). Disponible à la demande sur France.tv jusqu’au 30 mars 2025.