Le moment de stupéfaction, en Israël, n’aura pas duré. La décision des juges de la Cour pénale internationale (CPI) d’émettre des mandats d’arrêt contre le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, et l’ex-ministre de la défense Yoav Gallant, dans le cadre d’accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité était à peine rendue publique, jeudi 21 novembre, que les responsables politiques israéliens de tout bord unissaient leurs voix, faisant front contre la juridiction internationale et abondant dans le sens du premier ministre. Ce dernier avait immédiatement qualifié la décision des juges d’« antisémite […] comparable à un procès Dreyfus d’aujourd’hui qui se terminera de la même façon ».
Benny Gantz, le général à la tête du Parti de l’unité nationale qui avait rejoint le cabinet de guerre israélien après les attaques du Hamas du 7-Octobre, avant d’en démissionner avec fracas huit mois plus tard, et qui attend son heure pour succéder à Benyamin Nétanyahou, a qualifié la décision des juges de la CPI d’« aveuglement moral, de tache honteuse de dimension historique qui ne sera jamais oubliée ». Yaïr Golan, qui a pris la direction des Démocrates, une formation politique héritière de la gauche travailliste, et tente d’unir l’opposition face à la coalition gouvernementale fortement influencée par l’extrême droite, parle lui aussi d’une décision « honteuse » et estime qu’« Israël a le droit et aura toujours le droit de se défendre », reprenant les éléments de langage au sein du gouvernement.
Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a quant à lui déclaré que « les mandats d’arrêt constituent des récompenses offertes aux terroristes ». Une source officielle israélienne utilisait le même vocabulaire, jeudi soir, évoquant une « victoire de la terreur sur la justice », une décision « absurde » qui « fait le bonheur absolu des ennemis d’Israël » et affirmait qu’une « procédure d’appel » était à l’étude, signifiant par là une possible contestation de la compétence de la Cour.
« Un moment-clé pour notre système judiciaire »
Pour Michael Sfard, avocat spécialiste de la défense des droits de l’homme, l’émission de ces mandats est un « test géant » à la fois pour la CPI, qui, « pour la première fois, met en accusation des responsables d’un pays aussi puissant, et dont l’allié principal s’appelle les Etats-Unis, à deux mois de l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche », mais, aussi, pour Israël. « Ces mandats peignent notre pays dans les teintes les plus sombres, celles de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. C’est un moment décisif pour l’idée que nous nous faisons de notre nation. Va-t-on continuer à serrer les rangs avec des gens qui sont accusés de ces crimes, ou allons-nous réévaluer la manière dont la guerre est menée à Gaza ? C’est aussi un moment-clé pour notre système judiciaire, qui vient de subir une sorte de gigantesque condamnation. »
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