Quarante-huit heures après la mort d’Aboubakar, un fidèle musulman poignardé de dizaines de coups de couteau, vendredi matin, dans la mosquée de la petite commune gardoise de La Grand-Combe, son assassin, un homme d’une vingtaine d’années « potentiellement extrêmement dangereux », était toujours en fuite dans l’après-midi, dimanche 27 avril.
Emmanuel Macron a assuré, dimanche, que « le racisme et la haine en raison de la religion n’auront jamais leur place en France ». « La liberté de culte est intangible », a insisté le chef de l’Etat sur le réseau social X. Il a également adressé « le soutien de la Nation » à la famille de la victime et « à nos compatriotes de confession musulmane ».
Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, s’est rendu à Alès, dimanche après-midi, notamment pour y rencontrer les élus locaux et le président du conseil départemental du culte musulman. « Je voudrais dire à la communauté de nos compatriotes français musulmans qu’être Français, être membre de la communauté nationale, ce n’est pas une question de couleur de peau, ce n’est pas une question de religion, ce n’est pas une question de condition sociale. On est français, un point c’est tout. Je voudrais leur dire vraiment la plus totale solidarité de l’ensemble du gouvernement », a notamment déclaré le ministre.
Ouverte pour homicide vendredi, l’enquête est menée depuis samedi pour assassinat, soit meurtre avec préméditation, a précisé le procureur de la République d’Alès, Abdelkrim Grini. « L’auteur présumé a été formellement identifié. Nous travaillons maintenant pour essayer de l’interpeller dans des délais (…) les plus rapides possibles », a-t-il insisté dimanche.
« La piste d’un acte antimusulman est privilégiée mais n’est pas la seule », a-t-il expliqué. « Certains éléments pourraient nous laisser penser que ce mobile n’était peut-être pas le mobile premier (…) ou le seul mobile », a ajouté le procureur, s’exprimant devant la sous-préfecture d’Alès après l’intervention de M. Retailleau. Le ministre a par ailleurs déclaré avoir « mobilisé plus de 70 enquêteurs », venus de Montpellier, Nîmes, Paris et d’autres territoires français.
La garde à vue du frère du suspect a été levée samedi en fin d’après-midi, aucune charge n’ayant été retenue contre lui, a précisé Abdelkrim Grini. Une marche blanche s’est déroulée à partir de 14 h 30, entre la mosquée et la mairie de cette petite commune de moins de 5 000 habitants au nord d’Alès, en hommage à la victime.
Aucun antécédent judiciaire
Les éléments officiellement communiqués sur le meurtrier présumé sont pour l’instant peu nombreux : né à Lyon en 2004, « Olivier » est un homme de nationalité française, issu d’une famille bosnienne, dont une partie réside dans le Gard. Sans aucun antécédent judiciaire, il serait sans emploi.
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Pour M. Grini, il est « potentiellement extrêmement dangereux » et il est « primordial » de l’interpeller avant qu’il ne fasse de nouvelles victimes. Dans « les propos décousus » que le jeune homme tient dans la vidéo qu’il a lui-même filmée vendredi juste après son agression, face à sa victime agonisante, il semble, en effet, « manifester son intention de recommencer », avait précisé samedi soir le magistrat à l’Agence France-Presse (AFP). Dans la même vidéo, le meurtrier était entendu se féliciter de son acte et insulter la religion de sa victime.
« L’islamophobie tue. Tous ceux qui y contribuent sont coupables », a martelé de son côté Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, dont de nombreux membres, comme Eric Coquerel ou Rima Hassan, ont relayé l’appel à un rassemblement prévu dimanche à 18 heures place de la République à Paris contre « l’islamophobie » et en hommage à la victime.
La cheffe des Ecologistes, Marine Tondelier, a également appelé à rejoindre ce rassemblement, qui sera ponctué par une minute de silence en mémoire de la victime, un jeune homme d’une vingtaine d’années. Aboubakar, installé à La Grand-Combe depuis quelques années, était venu comme chaque semaine faire le ménage dans la mosquée avant la prière du vendredi, quand il a été agressé.
Le Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l’islam en France, s’est dit « horrifié » par cet « attentat terroriste antimusulman » et appelle les musulmans de France à « l’extrême vigilance », selon un communiqué. Le CFCM, qui fustige « les conséquences dramatiques de la banalisation et de la médiatisation de la haine antimusulmane », recommande aux fidèles de ne pas rester seuls ou isolés dans les mosquées. Il appelle en outre les pouvoirs publics à « déclencher immédiatement un plan national de protection renforcée des lieux de culte musulmans ».
« Il fait peu de doute que son auteur a été motivé par la haine des musulmans. Face aux dernières informations révélées », a souligné la Grande Mosquée de Paris sur X. Celle-ci demande désormais aux autorités de communiquer au public si la piste terroriste est privilégiée : « Nous devons considérer la dimension et la gravité d’un tel acte, et agir pour la sécurité de tous », a-t-elle ajouté.
« L’assassinat d’un fidèle dans une mosquée est un crime ignoble qui doit révulser le cœur de tous les Français », a également réagi le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Le délégué national de la Conférence des évêques de France, Jean-François Bour a dit sur X condamner « fermement l’assassinat ». « Une réponse ferme à la haine antimusulmane est urgente ! », a-t-il souligné.