Avec quatre ans, deux mois et quinze jours passés place Beauvau, Gérald Darmanin ne battra pas le record établi par Roger Frey, ministre de l’intérieur de mai 1961 à avril 1967, mais il aura établi un record de longévité qui tenait depuis un demi-siècle. Une prouesse, pour le transfuge des Républicains nommé en juillet 2020 à la tête du « ministère le plus usant », selon lui.
Un long passage, marqué par des polémiques et des coups de menton, et commencé quelques mois après sa nomination par le Beauvau de la sécurité, grand-messe qui lui a permis de conquérir les syndicats, véritables co-gestionnaires de la police et responsables de la chute de son prédécesseur Christophe Castaner quelques semaines après sa sortie sur les « violences policières », en juillet 2020.
Gérald Darmanin, qui lui succède place Beauvau, a retenu la leçon : ne pas mécontenter les organisations professionnelles au-delà du raisonnable. Il fera bien davantage. Alors que chaque ministère est exhorté à serrer les crans de la ceinture budgétaire, sa Loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), qui entrera en vigueur début 2023, prévoit une confortable enveloppe de 15 milliards d’euros sur cinq ans pour moderniser l’institution.
Depuis sa nomination place Beauvau, cette prodigalité a été validée au plus haut sommet de l’Etat par un président de la République qui se sait peu aimé de la troupe, mais en a besoin : à l’Elysée, on a conservé la mémoire du 1er décembre 2018, au plus fort de la crise des « gilets jaunes », lorsque pendant une poignée de minutes, on a cru les manifestants capables de forcer les grilles du « Château ».
Ambiance steak frites
Pour son hyperactivité et son goût pour les formules choc, on le compare à Nicolas Sarkozy, son mentor d’autrefois. Lui se voit plutôt en Pierre Joxe (à l’intérieur de 1984 à 1986 puis de 1988 à 1991), le « dernier grand réformateur de la police », assure-t-il. Son vaste programme de réorganisation de l’institution, élaboré au lendemain du Beauvau de la sécurité, voit le jour le 1er janvier 2024 après une gestation éprouvante qui pousse, fait inédit, la discrète Police judiciaire à se dresser vent debout.
Dans chaque département, un seul chef dirige désormais tous les services – police judiciaire, renseignement territorial, sécurité publique, police aux frontières. La PJ y voit un démantèlement pur et simple et la perte de son savoir-faire au moment où le crime organisé étend ses métastases à l’ensemble du territoire. Mais la place Beauvau maintient le cap et la réforme passe.
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