La cause palestinienne a perdu l’un de ses défenseurs les plus actifs devant les instances judiciaires internationales. L’avocat lyonnais Gilles Devers, qui a contribué à ce que la Cour pénale internationale (CPI) se saisisse de cette question, s’est éteint le 26 novembre, à l’âge de 68 ans, après un long combat contre la maladie. Sa mort est survenue cinq jours après que la CPI a émis des mandats d’arrêt à l’encontre du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et de son ex-ministre de la défense, Yoav Gallant, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Depuis 2009, Me Devers avait déposé des dizaines de signalements sur le bureau du procureur de la Cour, au nom de victimes palestiniennes. Son fils, Manuel Devers, a indiqué mardi qu’il poursuivrait les dossiers initiés par son père. « Nous allons continuer, a-t-il expliqué. Nous avons été ensemble sur tous les dossiers, à l’Union européenne, sur le Sahara, sur la Palestine. »
Gilles Devers, infirmier de formation, venu au droit sur le tard, s’était emparé de la question palestinienne début 2009, à une époque où personne ne croyait qu’un tel dossier pourrait un jour aboutir devant la CPI. « A la première réunion à l’ambassade de Palestine à Paris en 2009, j’avais été considéré comme le plus grand boy-scout et le plus grand des couillons », se rappelait-il avec le mélange d’humour et de modestie qui le caractérisait, lorsque Le Monde l’avait contacté, juste après l’émission des mandats.
« Une armée d’avocats pour un pays sans armée »
L’avocat avait été mandaté par différents groupes de victimes de Gaza, dont des médecins et des pêcheurs. En 2018, il avait constitué « plus de 3 000 dossiers », au nom de Palestiniens blessés, mutilés ou tués dans la répression par l’armée israélienne des « marches du retour » organisées cette année-là dans l’enclave. Me Devers a aussi été le conseil du Hamas, qu’il avait convaincu, en 2014, de soutenir l’adhésion de l’Etat de la Palestine à la Cour pénale internationale. Gilles Devers était aussi l’avocat du Front Polisario et avait décroché début octobre une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) au Luxembourg, invalidant deux accords commerciaux entre le Maroc et l’UE.
A propos de la Palestine, Gilles Devers avait l’habitude de dire qu’il voulait « lever une armée d’avocats, pour un pays sans armée ». Il en avait rassemblé plusieurs centaines pour soutenir les procédures en faveur de la Palestine à la CPI. « Il est parti juste après avoir emporté ses deux plus grands combats », a commenté son fils, en référence à l’inculpation de Nétanyahou et Gallant par la CPI et à la récente décision de la CJUE.