Le gouvernement de Gabriel Attal a battu bien malgré lui un record historique : celui du gouvernement ayant expédié le plus longtemps les affaires courantes depuis la seconde guerre mondiale, si ce n’est plus.
Vendredi 23 août, c’est en effet le 39e jour avec un gouvernement démissionnaire, depuis qu’Emmanuel Macron a signé le décret mettant fin aux fonctions du premier ministre comme de son équipe. Trente-neuf jours durant lesquels, n’étant pas remplacé, le gouvernement démissionnaire est resté en place pour assurer, selon une tradition républicaine, le fonctionnement minimal de l’Etat.
Une durée exceptionnelle dans l’histoire. Sous la Ve République, depuis 1958, les périodes de gestion des affaires courantes étaient jusqu’à présent restées courtes. Un, deux ou trois jours la plupart du temps ; neuf au maximum, en 1962. La France était ainsi le pays le plus rapide d’Europe en matière de transition entre gouvernements, d’après le pointage de deux politologues, Alejandro Ecker et Thomas Meyer.
Sous la IVe République, les délais étaient plus longs. Deux semaines en moyenne, selon le recensement effectué par le conseiller d’Etat Jean Massot dans la revue Pouvoirs en 1996. Le sommet avait été atteint au printemps 1953. Après la chute du gouvernement radical de René Mayer, trente-huit jours avaient été nécessaires pour trouver un nouveau président du Conseil. Sept candidats, dont Pierre Mendès France, avaient refusé le poste ou été bloqués par l’Assemblée. C’est en partie par lassitude que les députés avaient finalement accordé leur confiance à l’industriel Joseph Laniel, un député indépendant, partisan de l’union nationale.
Entre affaires ordinaires et urgence
Cette fois-ci, l’expérience encore plus hors normes de Gabriel Attal a montré les limites de l’exercice. La gestion des affaires courantes est un concept conçu pour des périodes réduites. Inscrit dans la Constitution de la IVe République, il ne figure pas dans celle de la Ve, mais reste considéré par la jurisprudence comme un « principe traditionnel du droit public », toujours valable.
Une décision rendue par le Conseil d’Etat en octobre 1962 l’énonce clairement : jusqu’à ce qu’il soit remplacé, un gouvernement démissionnaire ne peut plus prendre d’initiatives nouvelles, mais « garde compétence (…) pour procéder à l’expédition des affaires courantes ».
Reste à définir ces « affaires courantes ». En pratique, elles peuvent être de deux ordres, relève le secrétariat général du gouvernement dans une note du 2 juillet : soit des affaires ordinaires, « si mécaniquement dictées par la marche normale de l’Etat qu’elles ne nécessitent aucune appréciation de nature politique », soit des affaires urgentes, dont le traitement ne saurait être différé. « Il s’agit en somme de l’ensemble des décisions dont on peut raisonnablement estimer que n’importe quel gouvernement les aurait prises, parce qu’elles sont entièrement dictées par une forme d’évidence ou par les circonstances », résume le secrétariat général.
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