Livre. C’est une petite musique lancinante : la démocratie, à en croire de nombreux commentateurs, est en crise. Dans pareil contexte, le livre collectif dirigé par les économistes Philippe Askenazy et Claudia Senik, « Gouverner. La démocratie, un enjeu crucial » (Odile Jacob, 368 pages, 24,90 euros), est bienvenu.
L’ouvrage, basé sur les derniers travaux du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap), passe au peigne fin les ressorts de la crise. Surtout, il dessine des voies de sortie, des pistes pour améliorer le fonctionnement de notre démocratie, à tous les niveaux de la société et des institutions.
Le mode de scrutin peut-il changer la donne et permettre de mieux représenter les préférences des citoyens ? « Et si l’on votait autrement ? » Ce sont les questions que se pose le chercheur Jean-François Laslier dans le deuxième chapitre. Il envisage la méthode du « vote par évaluation » : on ne demande plus à l’électeur de se ranger derrière un candidat, mais de donner son avis sur chacun.
Plus loin, d’autres contributeurs s’interrogent : que change la parité en politique ? Ou encore : pour légitimer l’action publique, faut-il s’appuyer sur de nouveaux forums de délibération, comme les conventions citoyennes pour le climat et sur la fin de vie, expérimentées depuis 2019 ? Ces nouvelles formes de délibération permettent-elles de dépasser nos blocages collectifs, en particulier en matière de transition écologique ?
Emotions négatives
Les réflexions ne s’arrêtent pas là. Des outils fondés sur les technologies modernes jouent désormais un rôle-clé dans la formation et l’expression de l’opinion publique, analyse l’ouvrage. C’est le cas des réseaux sociaux, en particulier d’X, sur lequel se connectent chaque mois 12 millions d’internautes.
Justement, l’économiste Thomas Renault présente dans le troisième chapitre un « baromètre moral des Français », construit par l’Observatoire du bien-être du Cepremap, à partir des messages postés sur X. Le classement des internautes en fonction des médias et des personnalités politiques auxquels ils sont abonnés dévoile un clivage net entre le centre et « les extrêmes », marqués par un bien-être plus faible et des sentiments plus négatifs. Autre découverte : la division générationnelle, les médias jeunes exprimant des émotions plus négatives.
Le tableau ne serait pas complet sans une plongée dans un autre univers : celui des entreprises, frappées, elles aussi, par une crise de la représentation. La démocratie dépasse le monde politique : elle concerne les travailleurs, dans un monde où le mal-être au travail est important. « Pour tenter d’améliorer cette situation si problématique, ne faut-il pas commencer par permettre aux salariés de s’exprimer sur leur lieu de travail ? », s’interrogent dans le dernier chapitre les économistes Philippe Askenazy et Thomas Breda. On le voit, l’enjeu est existentiel pour nous : il faut renouveler la démocratie !
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