Pour la première fois depuis cinquante ans, les journalistes du Guardian et de l’hebdomadaire du week-end The Observer (publication sœur du principal quotidien de gauche britannique), se sont mis en grève pendant 48 heures à partir de mercredi 4 décembre. Ils protestent contre la perspective de la vente de The Observer, le plus vieux journal du dimanche au monde (il a été fondé en 1791) au groupe Tortoise Media. Ce dernier a été cofondé en 2019 par un ex-rédacteur en chef du Times, James Harding, et l’ancien ambassadeur des Etats-Unis au Royaume-Uni, Matthew Barzun.
Tortoise s’est fait connaître pour ses podcasts de qualité, misant sur le journalisme d’investigation, mais le site n’édite pas de publication papier et ne compte qu’une petite équipe de journalistes – à comparer aux 70 journalistes de The Observer, travaillant souvent de concert avec leurs centaines de collègues du Guardian. « Nous voulons injecter de l’énergie et des investissements dans The Observer, donner une présence digitale au journal tout en gardant sa marque, préservant son indépendance et sa défense du journalisme progressiste » insistait James Harding, dans une interview diffusée le 7 novembre par le podcast Media Confidential, animé par Lionel Barber, un ancien du Financial Times et Alan Rusbridger, ex-rédacteur en chef du Guardian.
Offre peu transparente
A ces deux vétérans du journalisme britannique, M. Harding a assuré pouvoir injecter 25 millions de livres sterling (30 millions d’euros) sur cinq ans dans l’opération de fusion et espérer atteindre l’équilibre en trois ans. Ces chiffres sont cependant questionnés par les journalistes, qui jugent l’offre peu transparente et contestent la précipitation avec laquelle GMG, le groupe propriétaire du Guardian et de The Observer et son actionnaire unique le Scott Trust, veulent vendre le vénérable hebdomadaire. The Oberver perd probablement de l’argent mais ces pertes « ne posent pas un risque existentiel à l’ensemble du groupe GMG [Guardian Media Group] » protestait Carole Cadwalladr, journaliste à The Observer, sur le podcast Media Confidential.
« On nous a d’abord dit que Tortoise était prêt à investir 25 millions de livres, puis c’est passé à 20 millions et nous comprenons maintenant que seuls 7 millions sont assurés d’être disponibles », ajoute la journaliste, qui s’est fait connaître au Royaume-Uni pour ses enquêtes sur les interférences entre réseaux sociaux et élections. L’offre de Tortoise Media n’assurera pas la « pérennité » du titre The Observer, craint encore Carole Cadwalladr, qui fait partie des grévistes. « Durant le processus [de vente], notre but a toujours été de faire ce qui est dans l’intérêt des lecteurs et des équipes du Guardian et de The Observer, afin que les deux titres continuent à promouvoir le journalisme libéral [progressiste] et prospèrent », a assuré Ole Jacob Sunde, le président du Scott Trust – la structure qui détient le Guardian et garantit son indépendance –, dans un courriel envoyé aux équipes des deux titres, publié par le Guardian.