DISNEY+ – À LA DEMANDE – MINISÉRIE
Du sang, du sexe et des corps huilés, la recette Ryan Murphy tourne à plein régime en ce moment, puisque entre Monstres. L’histoire de Lyle et Erik Menendez, Docteur Odyssey et Grotesquerie, le showrunneur le plus « camp » (personne qui a le sens de l’exagération, de la provocation, de l’ironie) d’Hollywood continue d’occuper les écrans, même après la fin de son mirobolant contrat avec Netflix.
De ces trois programmes, Grotesquerie est la « folie » − au sens architectural − de son créateur, son projet le plus barré, le moins lisible, le moins réussi peut-être, mais pas forcément le moins stimulant, à condition d’avoir le cœur (et l’estomac) bien accroché.
Cela tient beaucoup à l’écriture, fluide et intense, de ses personnages, à commencer par l’inspectrice de police Lois Tryon (fantastique Niecy Nash), qui se voit confier, au début de la série, l’enquête sur des meurtres dont la mise en scène sordide évoque la religion et le satanisme. Quinquagénaire à l’alcoolisme décomplexé, Lois passe beaucoup de temps à houspiller sa fille obèse, quand elle ne rend pas visite à son mari infidèle, plongé dans le coma. Ce nœud de névroses familiales est l’élément le plus intéressant de la série et sa colonne vertébrale. Tant que Grotesquerie s’y tient, tout va à peu près bien.
Un prêtre bodybuildé
Le récit se fracture lorsque la policière s’adjoint les services d’une nonne-reporter férue de faits divers (Micaela Diamond), puis lorsqu’elle rencontre, à l’hôpital où végète son mari − sous l’œil d’une infirmière tout droit sortie de Ratched (Lesley Manville, excellente alternative à Sarah Paulson) −, un soupirant sorti de nulle part et dont elle ne se méfie sans doute pas assez.
Peu soucieux de la continuité narrative nécessaire à toute enquête, Ryan Murphy lance alors ses personnages sur une multitude de pistes plus ou moins cohérentes, qui vont de la religiosité coupable, à travers un prêtre bodybuildé qui pratique la flagellation comme on pratique l’onanisme, au dérèglement climatique, en passant par les violences faites aux femmes. Tout cela ne fait pas grand sens, au moins jusqu’au dénouement, qui n’est pas non plus à la hauteur des promesses formulées au début de la série.
A force de mélanger les genres, Grotesquerie donne l’impression de naviguer à vue et risque de déconcerter une grande partie de ses téléspectateurs, une fois passée la force cathartique des premiers épisodes, délicieusement gore. A part peut-être ceux qui verront dans ce portrait d’une Amérique déréglée, fascinée par l’extrême violence et les faux messies, un miroir tendu au peuple qui vient de faire basculer le monde dans une inquiétante incertitude.
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