Les paramilitaires soudanais ont frappé pour la première fois, dimanche 4 mai, l’aéroport de Port-Soudan, siège provisoire des autorités, a indiqué l’armée dans un communiqué. « L’ennemi a ciblé ce matin la base aérienne d’Osman Digna avec des drones explosifs, un entrepôt de marchandises et certaines installations civiles dans la ville de Port-Soudan », a déclaré le général Nabil Abdullah, porte-parole de l’armée. L’attaque n’a pas fait de victimes, a ajouté la même source, tout comme un responsable de l’aéroport qui a confirmé l’attaque. Les vols vers et depuis Port-Soudan ont été suspendus, a indiqué un responsable gouvernemental.
Le Soudan est en proie depuis le 15 avril 2023 à une guerre entre l’armée du général Abdel Fattah Al-Bourhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), dirigés par son ancien adjoint, le général Mohammed Hamdan Daglo. Au début de la guerre, l’armée avait été chassée de Khartoum par les FSR et s’était repliée vers l’est, transférant le siège du gouvernement à Port-Soudan, sur la mer Rouge. Mais fin mars, elle a repris Khartoum aux paramilitaires.
Tenue par l’armée, la ville de Port-Soudan, jusqu’à présent épargnée par les violences, abrite des agences de l’ONU et des centaines de milliers de déplacés. C’est la première fois depuis le début de la guerre qu’une attaque vise cette ville située à plus de 600 km à l’est de Khartoum.
Un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) à Port-Soudan a indiqué avoir ressenti une détonation à l’aéroport, situé à 20 km au sud de la ville. « Nous étions en route vers l’avion lorsque nous avons été évacués très rapidement », a raconté un témoin présent sur place. Sur des photos de l’AFP, on peut voir une épaisse colonne de fumée noire s’élevant au-dessus de l’aéroport.
Alors que le conflit vient d’entrer dans sa troisième année, le pays est fracturé : l’armée contrôle le centre, l’Est et le Nord, tandis que les paramilitaires tiennent la quasi-totalité du Darfour (ouest) et certaines parties du Sud. Port-Soudan se trouve à plus de 600 km des positions connues les plus proches des FSR, situées dans le sud d’Omdourman, ville jumelle de Khartoum.
Attaques de drones
Les FSR, privées d’aviation, s’appuient sur des drones, artisanaux ou sophistiqués, pour leurs offensives. Ces équipements leur seraient fournis par les Emirats arabes unis, selon le gouvernement soudanais. Malgré des rapports d’experts de l’ONU, de responsables américains et d’organisations internationales faisant état d’un soutien émirati aux FSR, Abou Dhabi nie toute implication.
Selon le laboratoire humanitaire de recherche de l’université Yale, qui suit l’évolution du conflit grâce à des données de télédétection, six drones ont été identifiés sur des images satellites à l’aéroport de Nyala (Darfour), contrôlé par les FSR. En avril, le laboratoire avait indiqué que ces drones, d’origine chinoise, étaient dotés de « technologies avancées de surveillance électronique et de capacités de guerre », et pouvaient être équipés d’armements air-sol.
Ces dernières semaines, les FSR ont multiplié leurs attaques de drones contre des sites civils et militaires stratégiques. En avril, une frappe contre des infrastructures électriques dans la ville d’Atbara (nord) avait plongé le pays dans le noir. Port-Soudan est toujours privé d’électricité depuis une dizaine de jours. Samedi, une frappe attribuée aussi aux paramilitaires a touché la ville de Kassala (est), à la frontière avec l’Erythrée, selon une source gouvernementale. Des témoins ont déclaré à l’AFP que l’armée avait déployé ses défenses aériennes après de nouvelles attaques, dimanche, sur cet aéroport.
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Selon un ex-général soudanais s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, ces attaques visent à démontrer qu’« aucun endroit n’est sûr » et que les paramilitaires sont en mesure de frapper « n’importe quelle région du Soudan ». Les FSR chercheraient également à « perturber le trafic aérien et dissuader les compagnies internationales, comme EgyptAir ou Ethiopian Airlines », en leur montrant que « le ciel du Soudan n’est pas sans danger », explique-t-il.
La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, déraciné 13 millions de personnes et plongé certaines régions dans la famine, provoquant « la pire catastrophe humanitaire » au monde, selon l’ONU.