Convoquée par le Kenya, une rencontre entre les présidents de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, et du Rwanda, Paul Kagame, devait avoir lieu, mercredi 29 janvier, afin de de dénouer une nouvelle crise dans la région frontalière de Goma, en RDC, secouée depuis trente ans par des violences entre groupes armés. Mais « le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, ne participera pas au sommet virtuel des chefs d’Etats de la communauté des Etats d’Afrique de l’Est », officiellement « pour des raisons d’agenda », a fait savoir l’Agence congolaise de presse (ACP), à la mi-journée.
Le sort de la grande ville de l’est de la RDC semble scellé : le M23 (Mouvement du 23 mars) et l’armée rwandaise occupent désormais la quasi-totalité du centre et des faubourgs. Les combats ont fait plus de cent morts et près d’un millier de blessés, selon un décompte de l’AFP établi mardi soir à partir des bilans des hôpitaux.
Félix Tshisekedi ne s’est pas exprimé depuis le début de la crise. Son gouvernement a dénoncé une « déclaration de guerre du Rwanda », tout en assurant vouloir « éviter le carnage ». Kinshasa et Kigali ont coupé ces derniers jours toute relation diplomatique en rappelant leurs diplomates respectifs.
Kinshasa dénonce une « déclaration de guerre du Rwanda »
Il n’aura fallu que quelques semaines au M23 et à ses alliés rwandais pour atteindre Goma, après l’échec d’une médiation RDC-Rwanda sous l’égide de l’Angola à la mi-décembre 2024, et y entrer dimanche soir. Ils encerclaient déjà quasiment la ville depuis plusieurs jours, avec comme seules voies de sortie le lac Kivu au sud et la frontière rwandaise à l’est.
Des affrontements ont été signalés, lundi, le long de la frontière, notamment côté rwandais dans les environs de Gisenyi, où cinq civils ont été tués et vingt-cinq personnes grièvement blessées, selon Kigali. Mardi, après trois jours cloîtrés chez eux, sans électricité à cause du déluge de feu observé dans plusieurs quartiers, les premiers habitants sont prudemment sortis en quête d’eau et de nourriture, découvrant de nombreux cadavres gisant dans les rues.
Dans la capitale provinciale de plus d’un million d’habitants, les combats se sont étiolés, mardi. Seuls les combattants du M23 et les forces rwandaises restant finalement visibles, selon des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP), renforçant l’impression d’une chute imminente de la localité. L’aéroport est tombé. Le siège du gouvernement provincial a été pris. Des soldats congolais ont fui, d’autres se sont débarrassés de leur uniforme pour éviter la capture.
Dix-sept soldats de la force régionale d’Afrique australe (Samirdc) et de la mission onusienne (Monusco), présentes dans la région en soutien à l’armée congolaise, ont été tués ces derniers jours dans des combats. L’ONU, la Chine et l’Union européenne (UE) ont appelé Kigali à retirer ses forces de la région et à la cessation des hostilités. L’Union africaine a appelé au « plein respect » de « l’intégrité territoriale de la RDC » sans toutefois mentionner le Rwanda.
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Les Etats-Unis se sont, eux, dits « profondément troublés par l’escalade du conflit en cours dans l’est de la RDC, en particulier par la chute de Goma aux mains du groupe armé M23 soutenu par le Rwanda », selon un communiqué. Le président rwandais, Paul Kagame, a salué, mercredi, une « conversation productive » avec le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, sur la « nécessité d’assurer un cessez-le-feu dans l’est de la RDC et de s’attaquer aux causes profondes du conflit une fois pour toutes ».
Depuis des années, les Etats-Unis mettent en garde le Rwanda contre le soutien qu’il apporte au M23. Lundi, le chef de la diplomatie américaine s’était entretenu avec le président de la RDC, Félix Tshisekedi, condamnant l’assaut sur Goma du M23.
Des ambassades attaquées à Kinshasa
Mardi, la crise dans l’est de la RDC s’est soudain étendue jusqu’à Kinshasa. Des manifestants en colère ont attaqué plusieurs ambassades, dont celles du Rwanda. Les ambassades de France, de Belgique et des Etats-Unis, des pays critiqués pour leur inaction dans cette crise, ont également été ciblées. Washington a appelé dans la soirée ses ressortissants à quitter la RDC, tandis que l’UE a jugé ces attaques « inacceptables ».
Les nouvelles violences ont aussi aggravé une crise humanitaire chronique dans la région. Selon l’ONU, un demi-million de personnes ont été déplacées par les combats depuis début janvier. Des centaines de milliers de déplacés s’entassaient déjà dans la capitale provinciale et ses environs. Des bombardements ont touché un camp, faisant douze morts selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA).
Depuis la fin de 2021, le M23 et des troupes de l’armée rwandaise se sont emparés de vastes pans de territoire dans la province du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale, et y ont installé une administration parallèle. Goma avait été brièvement occupée à la fin de 2012 par le M23, né cette année-là et vaincu militairement l’année suivante.
Kinshasa accuse Kigali de vouloir piller les nombreuses richesses naturelles de la région, alors que le Rwanda, qui dément, dénonce la présence côté congolais de groupes hostiles. Mais la résurgence du M23 en 2021 a également été en partie causée par une rivalité entre le Rwanda et l’Ouganda autour des ressources de la région.